Ce qui plaisait à Blanche

Dans les dernières années du vingtième siècle, un diplomate français à qui l’astrologie promet des tumultes neufs rencontre une mystérieuse Madame de N. : Comme la vierge, une professionnelle de l’apparition . 
La comparaison entre Marie et l’inconnue s’arrête-là.

Madame de N. malgré son prénom, Blanche n’a rien d’une sainte, elle pencherait plutôt du côté du démon avec ses bracelets  d’or, d’ambre et d’ivoire qui auraient appartenu à Nancy Cunard, la première muse d’Aragon. Le Ministre Conseiller en poste au palais Farnèse se sent un peu seul entre les statues du Bernin  et l’Annonciation de Véronèse. Si les femmes ont toujours été de passage dans sa vie, il serait prêt à envisager l’amour avec   l’aristocratique, superbe, mystérieuse, cultivée, sensuelle, madame de N.(ou du moins ce qu’il imagine d’elle).

Pour ce qui est de tempêtes et d’orages, il va être servi, il va  vivre des mois sexuellement luxueux, entre  amour fou, jeux, expériences, orgies mais aussi, désillusions  et trahisons. Les heureux du monde ne sont pas plus immunisés que le bas-peuple contre la souffrance.

Entre Capri, l’île où les lézards bleus ont des yeux d’onyx et le Paris du Meurice ou de la Villa Montmorency, l’amour entre Blanche et le diplomate prend vite des tournures inédites. Il est fasciné par celle qui apprend par cœur de longs poèmes, Heredia, Hugo, Corneille, et même Leconte de Lisle…, mais aime plus que tout l’amour à plusieurs.
Les personnages qui les entourent sont plutôt du genre  interlope. L’ami qui les a présentés, Cornélius Cunard prétend être le petit-fils de Nancy qui n’a jamais eu d’enfants. Il a un bateau magnifique, ventru, vernissé mais n’est pas très intelligent.
Il n’est pas le seul à avoir une relation ambivalente avec la réalité. Ce monde feutré des aristocrates de la vieille Europe, est peuplé de filles faciles, de jeunes hommes non moins intéressés, de couples libres et pervers, souvent venus d’univers variés.

On l’aura compris, Ce qui plaisait à Blanche est aux antipodes des romans ayant pour décor la France des Gilets jaunes, perdus dans les territoires lointains de la République, des banlieues glauques où Islam et lesbianisme cohabitent avec fougue ou encore des éleveurs aussi agonisants que leurs malheureux animaux.
L’écriture est ample et belle,  classique et recherchée comme on n’en lit plus. les phrases se déroulent en toute simplicité  pour décrire un amour compliqué. La construction  érudite du roman,  ajoute encore à son charme  trouble. En effet,  le personnage principal,  le diplomate a confié le manuscrit à un éditeur qui ressemble beaucoup à Jean-Paul Enthoven, lui-même et qui le publiera peut-être, ou pas. L’épilogue le dira…

Loin du factuel et du quotidien, il y a dans du Stendhal et du Laclos, du Proust et du Louise de Vilmorin dans cette  fête galante en 66 chapitres, le chiffre du diable.

 

Brigit Bontour

 

Jean-Paul Enthoven, Ce qui plaisait à Blanche, Grasset, août 2020, 308 p.-, 22 euros

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