Philosophe, écrivain, dramaturge, journaliste français (1905-1980), chef de file de l'existentialisme français. Biographie de Jean-Paul Sartre.

Pour Sartre, réhabilitation d'un grand écrivain

SARTRE MON AMOUR

« Si je range l'impossible salut au magasin des accessoires, que reste-t-il ? Tout un homme, fait de tous les hommes et qui les vaut tous et que vaut n'importe qui. »
(Sartre, Les Mots)

Parmi les grands connaisseurs de l'œuvre de Jean-Paul Sartre (1905-1980), Michel Contat a un statut à part : comme son compère Michel Rylabka avec lequel il a écris la somme biobibliographique et analytique Les Ecrits de Sartre (1), Michel Contat a personnellement connu Sartre, il en a été pendant un moment le secrétaire particulier (comme Jean Cau, Beny Levy, d'autres...) et a réalisé avec Alexandre Astruc le film Sartre par lui-même qui fait figure de témoignage quasi testamentaire de Sartre sur son parcours et qui préfigure les entretiens filmés avec écrivains. Ce n'est donc pas un chercheur universitaire confronté aux textes que nous allons lire (2), mais pour ainsi dire le témoignage instruit et critique d'un homme, habité par l'œuvre de Sartre, et qui va nous donner à lire son Sartre. Plus sartrologue que sartrolâtre, donc…

Pour Sartre est composé d'articles, une vingtaine, parus pour la plupart dans des revues spécialisées ou des recueil critique, des prise de parole à l'occasion de colloque également, entre 1982 et 2007. L'ensemble n'est pas disparate, se lit le portrait d'un homme et de son évolution, en un mot, c'est une lettre d'amour à celui qui a nourrit une vie de lecteur. Michel Contat aime le jazz et Sartre, l'un et l'autre n'étant pas incompatible. Et Pour Sartre reprend le procédé utilisé pour Les Ecrits de Sartre en proposant une lecture chronologique des textes et de leurs génèses. Mais ce n'est pas tant l'analyse textuelle qui fait l'intérêt de ce volume, même si elle existe : c'est la sociologie du personnage Sartre comme acteur politique de son temps.

Sartre et Simone de Beauvoir, Sartre et les autres femmes (si nombrreuses ces amours contingentes), Sartre et le Nobel, l'écrivain tel qu'il se voit dans ses écrits de jeunesse et plus tard, Sartre et, Sartre et... et toujours Sartre, l'écrivain philosophe le plus commenté et toujours insaisissable. Car ce que donne à comprendre Michel Contat, c'est que la vérité de Sartre, si présomptueux soit-on à vouloir la trouver, est à inclure dans son temps. Ainsi, prétendre aujourd'hui que Sartre aurait eu tort contre Aron est sans doute rétrospectivement vrai, mais si vain, la contingence de l'Histoire impose que l'on regarde une pensée dans son temps.

En replaçant Sartre dans les combats politiques de son temps, en le contextualisant, Michel Contat nous rappelle que l'engagement à la fois du côté de l'Est et issu d'une éducation bourgeoise occidentale fait de Sartre le « moment »  clé des  évolutions modernes, tant politiques que culturelles.  Si Sartre refuse le Nobel, c'est pour cela, il ne eut être d'un côté et doit être de tous les combats qui lui semblent justes, et sans autre arme que son nom libre de tout monument imprenable.

Pour Sartre est aussi, pour les sartriens — il en est — une petite histoire personnelle, faite de resouvenances et de redécouvertes, notamment par l'article consacré à Stendhal (l'écrivain favori de Sartre et sur lequel il n'aura jamais écris…) ou la brillante analyse des Séquestrés d'Altona, pièce magistrale si l'en est. Si Michel Contat a tant à dire sur Sartre, et depuis si longtemps, c'est qu'il reste tant à découvrir, et ce volume là pourrait bien être une des plus agréables portes d'accès, loin des causeries de mémères ou des thèses obscures, juste le parfait plaisir de l'intelligence au service d'une grande passion et sans aveuglement : pour Sartre, dans tous les sens du terme.


Loïc Di Stefano

(1) Les Ecrits de Sartre, Gallimard, 1970

(2) Dans la famille des sartriens, je ne peux m'empêcher de vous inviter à lire les écrits de Jean-François Louette (que je salue au passage, mon cher professeur…)

Michel Contat, Pour Sartre, PUF, « perspectives critiques », février 2008, 569 pages, 30 euros
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