Otages intimes de Jeanne Benameur : un si difficile retour chez les vivants
Mais guérit-on vraiment d’avoir été considéré comme un animal, un trophée, d’avoir su que ses compagnons n’avaient as survécu ? Étienne s’immerge dans son village et tente de retrouver sa voie, guidé par la nature. Sa mère, qui lui met dans les mains un bol de café odorant, lui raconte ses plantations : c’est déjà un retour à la vie. Comme la musique d’Enzo, dont il a été privé si longtemps. Un cocon s’installe autour de l’homme encore jeune, qui cherche à apprivoiser son cauchemar. L’enfance, celle qu’il a vécu avec ses deux amis reste le moyen le plus sur de croire encore à l’homme. Et à l’amour dans les bras de Jofranka, fille adoptée qui devenue avocate à La Haye tente de redonner une voix aux femmes victimes de la folie des hommes.
Depuis Profanes on sait que Jeanne Benameur est une amoureuse des phrases, une styliste des mots alliée à une humaniste qui même dans le mal cherche une étincelle d’humanité. Dans Otages intimes, elle donne à voir l’ampleur de son talent avec une langue réellement envoûtante, qui berce et console, accompagne les progrès d’Étienne et ses hésitations lors de son retour dans la vie. Comment vivre après la déflagration ?
En récompensant du prix Version Fémina ce roman, les lecteurs de ce magazine ont récompensé un grand livre qui ne cherche pas à donner de leçons ou pire encore de solutions, mais voit dans le reflet d’un oiseau, dans un arbre penché, des raisons encore d’espérer. Puissant.
Ariane Bois
Jeanne Benameur, Otages intimes, Actes Sud, août 2015, 192 pages, 18,90 €
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