Jérôme Thélot : bande-son de la peinture

Le cri par essence semble rétif au mutisme de la peinture. Certes il contient l'acmé de la douleur comme de la jouissance. Mais l'art pictural ne pourrait à priori que le singer. Néanmoins Thélot inscrit par sa présence une nouvelle histoire de la peinture. En effet tout "maçonnage" de la violence se crée par  ce que le cri produit.

De Pollaiolo à Raymond Mason en passant par Le massacre des Innocents de Poussin, premier tableau moderne, selon l'essayiste, des artistes – apparemment ne reproduisant, du cri que sa figuration – font que la bouche ouverte est parfois transformée en paysage. Et comme l'écrit Bacon, la peinture peut rendre un cri aussi beau qu'un des derniers paysages de Monet. L'anglais le prouva et tout le livre devient une analyse de transformations polymorphes qui laissent Le cri de Munch au rang – et tout au plus – d'une singularité approximative.

Jérôme Thélot s'avère un des écrivains d'art des plus conséquents en ouvrant la théorie à une telle thématique si rarement (et c'est un euphémisme) abordée. Et il va jusqu'à pousser son constat au plus loin en affirmant que "l'image provient du cri". Ce qui devient une évidence puisque l'origine comme peut-être  la fin de l'art réside dans la violence.

En neuf chapitres et une vingtaine de tableaux l'auteur fait le tour d'une telle question. Il montre tout ce qu'une telle vision ouvre. Le souffle s'y dépayse en devenant paysage là où les êtres voient comment la vie – la leur ou celle des autres – s'abrègent. Entre le grave et le suraigu la peinture élance ce qui a priori reste muet en elle. Mais soudain tout qui est rendu sensible par de telles brèches auditives figurales.

Jean-Paul Gavard-Perret

 

Jérôme Thélot, La peinture et le cri  De Botticelli à Francis Bacon, coll. Essais sur l'art, L'Atelier Contemporain,  octobre 2021, 184 p.-, 25 €

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