Jean-Pierre Verheggen l'iconoclaste

Verheggen répond par la poésie hors de ses gonds à ce que le réel impose. Ce dialogue permanent permet - au moyen des arrachements du langage admis - à creuser le trou où fuit le monde. Le sexe est souvent au cœur de cette écriture mais l’auteur en retient - par les glissements de sens - ce qu'on ne sait pas. D'où peut-être - sans doute même - la puissance de fascination de l’obscène non de la chose mais du langage.

Face au courtoisement éthéré le poète "nobelgisable" ne passe pas des compromis naïfs, irraisonnés, lourdement extatiques (et souvent douloureux) avec les ruses du désir, la dictée du fantasme. Un savoir pataphysique met tout cela à distance même lorsqu'il aborde l'adolescence, ses miasmes et ses désirs. Il quitte le "pathos-logique" pour traiter ce dont l'expérience du présent affecte par un langage affection et infection. La poésie devient donc la mise en scène du leurre de toutes ses prétentions d’idylles.

Le clivage n’est pas seulement entre mots et des choses mais dans les mots eux-mêmes, leur fantasme de sens, leur unisson au symbolique. Il n'y a sans doute pas de littérature sans cet humour, sans cette approche physique de ceux que Prigent nomme «les grands comiques» et ce depuis Rabelais. Au verbe chair qui finit gymnastiquement cloué sur la croix de la passion de la nomination, Verheggen propose sa «dé-nomination». Le texte s'esclaffe, rit, annule le sérieux dans l'apothéose inversé de ce que Beckett nomma «Mirlitonnades» et Verheggen lui-même "la boursouflure de violangue burlesque".

Surgit en conséquence le coup de torchon dans la compassée nature poétique. Face à la règle de l'adhésion, d'euphorie du liant, de l'illusion d'un avenir en amélioration, d'un rêve d'éradication du malaise dans la civilisation, de l'accès à la supposée absolutisation du bien, le geste poétique propose sa non-menclature, sa désillusion cruelle et dégingandée. C'est hygiénique puisque réside là la seule réponse au nihilisme qui est à l'horizon des démagogies volubiles des langues légiférées. Celles qui recouvrent ce qu'elles prétendent dénoncer.

Jean-Paul Gavard-Perret

 

Jean-Pierre Verheggen, Pubena Pietenpakken - Pubères Putains, L'Ane qui Butine, Mouscron, Belgique, avril 2019

 

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