Cliquetis de Marcel Broodthaers

Les Bestiaires de Marcel Broodthaers sont la figure majeure de l’art post-duchampien (dont est célébré le centenaire en 2024). Tout un réseau  relie les animaux réels ou imaginaires : l’abîme, l’agneau, l’aigle, l’alcoolique, le banquier, le boeuf, l’huile et le vinaigre, la mer, le rhinocéros, etc.
Une seule énumération communique déjà une joie venue de l’enfance, une joie de semer le désordre dans les catégories ordinaires. Dans son Bestiaire n°III, Marcel Broodthaers, relit et détourne les Fables de Jean de la Fontaine. Il brouille la frontière entre humain et non-humain :  tout est emmêlement  la figure naïve de l’animal et la figure non innocente de l’homme, précise Jean Daive.
Cette poésie  mêle les règnes eux-mêmes, là où l’écriture de l’artiste belge est tramée de dessins et de ratures qui l’interrompent et la relancent. Broodthaers caviarde autant le monde pluriel et ses mots afin d'instaurer  non-sens plus qu'un sens. Ce dernier est détruit, dénaturé de manière drôle sous forme des  explications les plus improbables. Ici le désir de poésie dépasse cette réalité. Cette dernière rappela plus tard Lacan combien elle n'est pas bon. Broodthaers avait raison.

Jean-Paul Gavard-Perret

Marcel Broodthaers, Le Bestiaire n°III, présentations par Jean Daive et Maria Gilissen-Broodthaers, L'Atelier contemporain, mars 2024, 30€

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