Marie-Laure Dagoit & Rohan Graeffly : des/illusions et culs de sac

A force mettre à l’épreuve le ça voir antidote à tous les idéalismes, il arrive que la profonde descente dans la nuit du sexe dont les érotiques à la petite semaine ne cherchent qu’à mimer le chemin jouissance s'épuise (ce qui n’est pas le cas de M-L Dagoit et R. Graeffly).
Le sacrilège non seulement peut posséder au fil du temps un ressort éminemment parodique mais il finit par se casser – ou presque ! La contre-consécration finit par lasser ses propres fomenteurs qui ici se superposent pour annoncer sinon une fin de non recevoir du moins un cul de sac. Je me rends compte que j’ai perdu mon écriture mon style mes pensées pornographiques. Je ne sais plus dire ce que je veux. J’ai mon érotisme noir en horreur, je veux du solaire, mais à ce jeu la scène se vide. Avant, j’écrivais mes visions, maintenant j’en suis réduite à plagier des chants religieux.
Tout cela néanmoins au nom de la congélation amoureuse dans ce qui tient d’un règlement de compte.

Là où se sentait parfois un souffle sur sa nuque et sur une croupe qui se scinde en deux ne fait parfois que tirer des diables par la queue. Mais alors qu’en faire au juste ? Au gémissement d’extase fait place le gémir de l’impuissance créatrice même si la femme est fatale et l’amant un beau gosse (plus même au-dedans que dedans).

Dans cette perte annoncée de la verve érotique ; l’auteure tient sa langue dans sa bouche, et l’artiste image hors de l’image. Ce qui s’ouvrait se referme et s’enrobe. Suivant le vieil adage "il faut qu’une porte soit ouverte ou fermée". Il s’agit donc – du moins en théorie – d’enterrer son cœur et ce qui le recouvre en objets du désir. L’auteure semble penser "Si j’ôte mon chemisier que ferai-je de lui ?"
Le livre répond. Mais de manière oblique. Sa double face est sans miroir sinon hermétique du moins réservée. Il suffit de la flamme d’une chandelle pour réchauffer voir mettre encore le feu.
Et non seulement aux atours.

Jean-Paul Gavard-Perret

Marie-Laure Dagoit & Rohan Graeffly, Mes doigts sont gourds, Littérature_mineure, Rouen, 2018, 8 euros

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