A lire en écoutant Paul Badura-Skoda

Il faut l’écouter interprétant la sonate K276 ou le concerto pour piano n°27 de Mozart, une partita au clavecin de Bach, ou encore un impromptu de Schubert! La grâce et la force sont réunies, la légèreté de la touche est alliée à sa précision, le savoir se double d’une sensibilité accompagnée d’un respect de la partition et sa connaissance plénière qui font que l’oreille est mieux que séduite, charmée, emportée par la musique, en découvre toutes les sonorités et la ligne mélodieuse. L’art du jeu porté à son apogée, comme le font quelques autres pianistes dont les noms font le tour du monde et au niveau desquels il est placé depuis des décennies.

 

Paul Badura-Skoda est né à Vienne, en Autriche, le 6 octobre 1927. Tous les grands compositeurs, Schubert, Mozart, Haydn, Beethoven ont formé son oreille, depuis toujours, comme tous les plus grands chefs, de Karajan à Gardiner, ont voulu travailler avec lui et lui ont confié les œuvres les plus prestigieuses. Parmi les interprètes renommés, il a collaboré pendant plus de trois ans avec le violoniste David Oïstrakh et longtemps avec Jörg Demus, également autrichien, né un an après lui, son partenaire au clavier. A leurs sujets, il livre des anecdotes amusantes, soulignant malgré la réputation d’exigence qu’il avait le partage avec le premier « d’une plénitude absolue » et sa complicité avec le second. Ailleurs, il raconte son arrivée en Suisse, en 1948, ce qui nécessitait un visa d’entrée puisque « la Suisse, c’était une sorte d’Eldorado, avec du chocolat, des oranges, des bananes, denrées plutôt rares à l’époque en Autriche ». 

 

Dans cet ouvrage, répondant aux questions de son interlocuteur qui l’invite à se livrer jusqu’à l’intime, avec autant de simplicité que d’érudition, Paul Badura-Skoda relate sa vie, évoque les racines de sa famille, la période de la guerre, ses lectures, ses huit heures de piano par jour, et son plaisir à jouer de l’accordéon « pour le plus grand bonheur des paysans des environs à qui ce langage parlait davantage que celui de Beethoven ou de Brahms ». Nous le suivons dans ses diverses tournées, qui le conduisent à New-York, Varsovie, Tokyo, Prague, au Kenya, en Egypte, tant d’autres salles où le public l’accueille avec la même ferveur. Son maître et son modèle reste Edwin Fisher, avec qui il travaille de longues années, de 1948 à 1960. Curieusement, ce dernier l’initie à des répertoires « totalement inconnus à ses oreilles, comme la musique de Paul Hindemith ». Il estime qu’il doit à son tour passer le flambeau à des jeunes dont il pressent le talent et qu’il suit dans sa Master Class. On apprend au milieu de ses souvenirs personnels de petites histoires sur les compositeurs, comme Brahms qui « a sans doute gagné beaucoup plus d’argent avec ses seules Danses hongroises pour piano à quatre mains qu’avec l’ensemble de ses autres œuvres » car il « faisait preuve également d’une grande maestria dans sa manière de traduire noir sur blanc les sonorités si particulières de la musique tzigane, rencontrée dans les cafés durant sa jeunesse où il officiait comme pianiste de bar… ». Un des chocs de sa vie est sa rencontre avec Josef Krips, autre viennois, qui l’engage à devenir à son tour chef d’orchestre. Mais sa vocation était bien d’être pianiste et il le restera.  

 

Sa discographie est magnifique, elle englobe aussi bien Bach que Dvorak, Ravel, Schumann, Glinka, Salieri et Frank Martin qui écrit au pianiste une lettre où il loue son tempérament. Car ce magnifique passeur de sons n’est ni modeste ni prétentieux, il est dans la note juste. Sa célébrité internationale lui vient d’une existence vouée à l’instrument par excellence. Des photos retraçant une carrière impeccable permettent d’en suivre quelques étapes. A lire en l’écoutant jouer.

 

Dominique Vergnon

 

Paul Badura-Skoda, dans l’intimité des maîtres, entretiens avec Antonin Scherrer, La Bibliothèque des Arts, 166 pages, 14x22 cm, 24 illustrations couleurs, mars 2014, 19 euros.   

 

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