Dans un travail de la langue en ses illusions et ses fantasmes, l'auteure galvanise par ses texte en apnée et ses phrases démontées puis remontées bien des opérations - à savoir ouvertures. Le scalpel de la langue fait jaillir le rouge sang de la vie par diverses coupures et en interrogeant mythes, légendes et aussi les œuvres de notre temps.

En dispositifs très différents les uns des autres (tableau théâtral, récit, poème, fragment autobiographique) l'auteure fait goûter la viande chère à Artaud. Tout est ici ressuscité, "c’est chaud c’est rouge ça sent et c’est déjà de l’encre" pour supprimer celle ou celui que l'on croit être et "laisser passer autre chose".

Chaque texte défait la langue pour un "ça voir" qui se développe en pulsions là où se dit, s'écrit ce qui ne se laisse voir mais qu'il faut travailler pour ne pas effacer "soi et l'autre comme autant d'autres, ceux du jour qui se pondent autour, comme le font toutes les poules, celles qu'on programme en vue de l'omelette à consommer, omelette prévue pour l'estomac des lecteurs-consommateurs". Tout avance afin de lutter contre "une non-littérature ou un dominant tas de merde qui empuantit tout (...) jusqu'à la coulisse de ce qui s'appelle la vie littéraire et qui fait qu'on n'en peut plus".

Il s'agit donc de casser de telles fermetures et de faire le vide avec une puissance impressionnante contre l'anéantissement programmé. L'objectif est de laisser suinter  autre chose afin de trouver un passage dans l'inextricable.

Le livre devient une lutte contre les duplications pour toucher à ce qui ne se pense pas encore de ce qu'est le corps. Sans cet accomplissement "le poème demeure / un simple petit / ossement décoratif / disposé là et sans usage.".
Ecrire ne peut être que la recherche des seuils et des transitions. Elles mènent quelque part ailleurs. Mais dans le corps

Jean-Paul Gavard-Perret

Liliane Giraudon, le travail de la viande, POL, décembre 2019, 154 p., 16 €
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