La cathédrale, figure de pierre

« Le XIIIème siècle a été la plus grande ère des cathédrales. C'est lui qui les a presque toutes enfantées ». Ces mots de Joris-Karl Huysmans (1848-1907) sont tirés de son live La Cathédrale, publié en 1898 et qui a pour cadre Chartres. L’auteur en fait avec raison mention dans sa bibliographie parmi beaucoup d’autres ouvrages classés dans la section Histoire de l’art, de la littérature, de la culture qui permettent au lecteur de disposer d’un vaste ensemble de sources se rapportant à son sujet. A travers le personnage de son roman, Durtal, Huysmans s’interrogeait notamment sur la signification des symboles religieux.

 

 

Dans ces pages très denses, très documentées, Ségolène Le Men porte un nouveau regard sur ces merveilleuses constructions qui témoignent des élans de foi et des désirs de beauté qui la soutenaient et ont traversé la chrétienté médiévale. Ce regard se projette à partir d’un autre siècle, le XIXème, et la manière dont les écrivains et les artistes se sont emparés du sujet. Double invitation à le relire, selon l’angle de l’époque d’une part, selon la perspective actuelle d’autre part. L’intérêt de l’approche offre un croisement des visions gothiques et romantiques. Interviennent dans le débat et y contribuent aussi bien Delacroix, Turner et Kandinsky que Flaubert, Goethe et Balzac. Deux lieux conduisent la réflexion, la cathédrale Notre Dame de Paris avec gravitant autour, celui qui à la fois magnifie le monument et s’en sert d’acteur principal, Victor Hugo, et celle de Rouen, que Monet célèbre et transforme en personnage majeur de sa fameuse série, qui compte une bonne trentaine de tableaux réalisés entre 1892 et 1894. « Pour Hugo, comme pour Monet, la thématique de la cathédrale relève d’une forme d’autoportrait emblématique et glorifiant », écrit l’auteur. Le peintre et l’écrivain se rejoignent, en quelques sorte, accommodent leur vision et proposent des images certes sublimées, décalées mais aussi justifiées, historiquement, esthétiquement, intellectuellement.

 

 

Ce livre se lit avec un réel plaisir, pour plusieurs raisons, entre autres l’originalité et la perspicacité du propos, l’abondance de ses références, sa progression, son incitation à juger, les comparaisons qui l’éclairent. Une érudition qui n'est pas une démonstration de savoir mais une invitation à voir autrement cette architecture qui est, selon Hugo, « le registre principal de l’humanité ». Ici comme là, « une pensée qui se fait édifice ».

 

 

 

Dominique Vergnon

 

 

Ségolène Le Men, La Cathédrale illustrée, de Hugo à Monet, Hazan, 13,5x20 cm, 240 pages, 45 illustrations, avril 2014, 16 euros.

   

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