Rio de Janeiro ou le bonheur d’exister

Coïncidence, en janvier 1924 - le mois compte, il constitue une partie du nom de la ville - Blaise Cendrars s’embarque pour le Brésil. Il a été invité par de jeunes artistes séduits par le verbe et la verve de l’écrivain aventurier. Long voyage océanique jusqu’à ce pays qui va d’emblée le fasciner. Il en fera « sa seconde patrie spirituelle ». De cette fabuleuse découverte, « chaque tour de l’hélice m’en rapproche… » comme il l’écrivait, il tirera des textes intenses. « Et voici maintenant que je sais le nom des montagnes qui entourent cette baie merveilleuse….le Géant couché, la Gavéa, le bico de Papagaio, le Corcovado, le pain de Sucre que les compagnons de Jean de Lévy appelaient le Pot de Beurre et les aiguilles étranges de la chaîne des Orgues. Bonjour Vous ». Dans un autre poème, il note encore : « Ici, à Rio, la Noël tombe en plein été austral et le simple fait d’exister est un véritable bonheur ».

 

Paulo Coelho dans sa préface parle de cette magnifique porte d’entrée qu’est Rio de Janeiro, la Rivière de Janvier, le nom ayant donné par les Portugais arrivés en janvier 1502. Elle s’ouvre sur le monde brésilien, on devrait dire plutôt les mondes brésiliens tant le Brésil est un pays vaste, multiple, jamais définitivement exploré. Rio est d’abord en soi un univers qui résume et explique toute la nation. Vue de l’Europe, la ville semble n’avoir que deux visages, les plages d’un côté pour « la joie de tous les sens » selon les mots de Stefan Zweig, les favelas de l’autre, enserrées dans une « bulle de misère ». Idées réductrices bien sûr, faussées par les images qui circulent un peu partout. Il y a beaucoup à voir entre les deux versants de cette mégalopole. Comme le fera Cendrars, il faut accepter que les rêves du charme exotique aient en contrepoint les duretés de la réalité. Les Cariocas le savent. Ce que l’auteur appelle le «glamour tropical » ne doit pas faire oublier la pauvreté des quartiers déshérités en dépit des couleurs vives des maisons accrochées aux pentes.

 

Présentée dans cet ouvrage illustré par un éventail largement ouvert de photographies toutes vibrantes de couleurs, Rio ne semble que fêtes, plaisirs, jeunesse, exubérance. Journaliste, écrivain, né dans un quartier nord, Bruno Astuto (en espagnol, ce mot signifie ensemble rusé, malin, intelligent…) invite son lecteur à le suivre dans le temps et l’espace de cette immense cité qui serpente et se love entre la mer et la montagne. Il en connaît les secrets et les confie dans Vogue ou à la télévision. Il s’agit moins d’expliquer en détail, ce qui se réduirait à proposer un guide touristique et n’est surtout pas son but, que de signer une sorte de carnet mondain de la communauté locale et de la société internationale qui se croisent autour de Copacabana, d’Ipanema, peut-être Botafogo, afin que l’on puisse comprendre comment fonctionne la cidade maravilhosa, lors du carnaval, des processions, des rencontres sportives, des soirées entre célébrités, comment repérer les endroits plus rares comme le jardin Lage, savoir où aller le soir, admirer les édifices Art déco, profiter de la bossa nova, musique au carrefour de la samba et du jazz, c’est-à-dire des traditions africaines et américaines et savourer les délices de la Confeitaria Colombo,tout en suivant les pas de Le Corbusier, Jayne Mansfield, Romy Schneider, Paris Hilton ! Pour aimer Rio à son tour, en somme.

 

Dominique Vergnon

 

Bruno Astuto, La légende de Rio, édition Assouline, 172 pages, 200 illustrations, 28x19,5 cm, juillet 2016, 45 euros   

 

 

 

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