Philip Roth : sincérité versus vérité

 

 

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

 

 

Dans cette énorme compilations d'essais et d'entretiens Roth se livre autant qu'il s'amuse avec son lecteur. La raillerie est là. Celui qui a été défini "juif américain ou américain juif de Newark" dénonce cette dénomination. Il se considère comme "américain irrécusable", attentif aux charmes passés de son pays".
Roth dialogue ici et entre autres avec les écrivains (Saul Bellow, Milan Kundera et bien d'autres) et cela permet de comprendre sa littérature lorsqu'il la projette dans celle des autres. Les entretiens sont à ce titre une des parties majeures  de ce corpus. Bien plus que la partie "Explications" qui est parfois un fond de casserole fait de discours "obligés". Se retrouvent donc des textes de circonstances  anecdotiques. Néanmoins celui de l'enterrement de Portnoy sauve à lui seul cette partie.


Roth joue une nouvelle fois avec ses doubles. Il n'est pas plus crédible mais pas moins que lorsqu'il écrit à Wikipedia qui lui reproche de vouloir corriger la page qui lui est consacrée... Toutefois l'auteur reste d'une superbe distance par sa manière de rentrer dans les coulisses de son œuvre. Et au passage il en profite par ajouter des leurres aux leurres.
L'auteur apparaît dans une parfaite liberté armé de son intelligence extraordinaire et humble. Roth écoute. Les autres pas. Et c'est ce qui fait le sel de son oeuvre. Il monte une "salsa" qui ne l'enferme jamais même dans la vérité. L'imaginaire est là jusque dans le portrait magnifique de son père (texte "Patrimoine") où apparaissent son goût pour la vie et la réalité des autres. Même dans le lyrisme l'auteur n'est pas vrai : il est sincère. Ce qui est beaucoup mieux face à tous les malentendus qui n'ont cessé de le suivre.

Jean-Paul Gavard-Perret

 

Philip Roth, Pourquoi écrire ?, trad. de l'anglais (États-Unis) par Lazare Bitoum, Michel et Philippe Jaworski et Josée Kamoun, Collection Folion n° 6646, Gallimard, mai 2019, 640 p.-, 10,80 €

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