Pierre Rabhi, "La Convergence des consciences"

Est-ce un testament ? Au terme d'une vie qui fut un long combat contre les déviances d'une modernité décorrelée des valeurs fondamentales de l'humain et de la nature, Pierre Rabhi, philosophe agriécologiste de réputation internationale, est reconnu comme un sage. Sa simplicité, la valeur de ses enseignements ont fait de lui un guide et modèle — parfois décrié — et le porte-parole d'une génération pour laquelle le retour à la terre n'est pas un vain mot. Avec La Convergence des Consciences, alors qu'il a déjà publié de nombreux ouvrages, Pierre Rabhi se plie à un exercice délicat : l'abécédaire comme moyen de faire le point sur sa vie et son parcours. 

Il convient de citer son texte liminaire pour comprendre que La Convergence des consciences n'est pas un ouvrage tourné sur le passé d'un parcours mais manifeste l'alerte d'une conscience toujours ouverte sur le monde : 

"Plus j’avance dans la vie et plus s’affirme en moi la conviction selon laquelle il ne peut y avoir de changement de société sans un profond changement humain. Et plus je pense aussi – c’est là une certitude – que seule une réelle et intime convergence des consciences peut nous éviter de choir dans la fragmentation et l’abîme. Ensemble, il nous faut de toute urgence prendre “conscience de notre inconscience“, de notre démesure écologique et sociétale, et réagir.

"Il s’agit bien de coopérer et d’imaginer ensemble, en conscience et dans le respect, le monde dans lequel nous voulons évoluer et nous accomplir.

"Tout en revenant sur des rencontres qui ont jalonné mon existence, j’ai essayé, sans prétention aucune, de baliser en pointillé ce chemin difficile dont la triste actualité nous montre qu’il devient un impératif."


Parfois touchant, quand il évoque la sagesse de sa grand-mère, parfois donneur de leçon (sur l'Europe, le football), Pierre Rabhi dresse aussi le portrait de ses propres modèles, dont René Dumont et Fairfield Osborn. Certains textes sont plus théoriques, comme son bel éloge de la main (qui reprend en partie les théories André Leroi-Gourhan), d'autres sont plus pratiques, et certaines reviennent sur des phrases clés de son enseignement ("le lion dévore certes l'antilope mais il ne possède ni banque ni entrepôt d'antilopes pour en tirer un profit ou en faire un objet de spéculation"), mais l'ensemble montre s'il le fallait encore que son isolement loin des bruits néfastes du monde n'en ont pas fait un moine ermite mais une conscience éclairée sur son temps. 

La Convergence des consciences est un excellent moyen de faire connaissance avec l'univers de Pierre Rabhi. 

Loïc Di Stefano

Pierre Rabhi, La Convergence des consciences, Le passeur, octobre 2016, 216 pages, 17,90 eur

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