Co-errance chez Germain Roesz

Le texte de Germin Roesz est rare. La moiteur s'instille et l'obstination fait face. Une série de situations est inscrite dans le vécu quotidien de l'amour d'une femme. Le bug existentiel ne le quitte pas forcément.
Que reste-t-il sinon se laisser envahir par tout ce qui n'est pas ainsi que la musique car c'est le plus abstrait des arts ? Le dessin accompagne pour re-tapisser les instants, pièce après pièce, afin d'illustrer en boucle la vie d'aimer et à tirer aux forceps.
Le tout dans une écriture sans pathos. Est-ce une consolation ? Est-ce une supplique ? Mais l'amour va même si certains passants sont fous. Qu'importe. D'une certaine façon Roesz fait tout parfois pour améliorer les choses.
C'est ce qui se passe ici où l'écriture enferme le désordre d'une absence et son cadastre parfois douloureux mais s'y prononce aussi la possible extase même si le mal d'amour, comme d'ailleurs celui de la pauvreté, persiste.
Ici l'espace est l'instant, mais il est aussi le ventre.  En en étant exclu l'auteur vit par procuration  des douleurs mais  il poursuit son chemin . A savoir celui où il cherche ses propres manques en se faisant gardien de nuit plus que tuteur des jours. Il n'est pas le seul car chacun suffit sa peine.
Une jactance de peu  reste éminemment poétique. L'oubli serait une vengeance. Mais jaillit ce récit en lambeaux récit comme venu de partout et de nulle part. Il suffit d'errer. Chaque court poème ne vient pas soulager de la précédente. Mais l'auteur ne se veut pas l'otage de son passé. Il lui faut un grand courage face à sa certitude de ne jamais se quitter.
Malgré toute sa faiblesse et son désarroi qui rejoignent parfois le non-vivre, le chagrin est une  musique qui  vient à s'enrayer. Certes, l'auteur y a laissé des plumes, il ne peut plus rien en faire. On peut appeler cela la maladie de la vie ou celle de la mort que l'on se donne ou qui nous est donné.
Néanmoins il est bon de le dire pour subsister. C'est ce que l'auteur évoque. Avec courage. Même pour murmurer le sentir exclu. Ne pas en avoir honte, ce n'est pas grave. Au contraire. Il faut un jour accepter ses propres limites. Peut être un jour que Roesz sera plus heureux que fou. Mais ce n'est pas sûr. Reste un sérieux doute là dessus. Mais au bout du compte les haricots sont dans le panier. Du moins l'auteur l'espère même s'il perd parfois le fil et les lignes à force de digressions qui lui font oublier ses haricots.

Jean-Paul Gavard-Perret

Germain Roesz, Écrire l'urgence, dessins de Haleh Zahedi, coll. Bas de page, Éditions Les Lieux-dits, mars 2024, non paginé, 7€

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