Les femmes & l’art : des Vénus encordées ?

Il est amusant de voir deux idées semblables se rejoindre par les mots, deux destins frappés par l’évidence dès lors que les événements commandent d’agir. En Italie, ce fut Palma Bucarelli qui mit sur pieds un véritable jeu de cache-cache avec les fascistes pour sauver les œuvres d’art. En France, c’est Rose Valland, qui sauva et/ou récupéra plus de soixante mille pièces durant la Seconde Guerre mondiale. Si Sophie Guermès tissa une biographie romancée de ses travaux de recherche, Carles Diaz, historien de l’art – et manifestement poète – joue la carte du journal imaginaire.

Être une femme n’a jamais été simple. Mais dès lors que vous vous dressez contre une institution, que vous osez affirmer une idée qui s’oppose à la doxa, tout bascule. Palma Bucarelli eut son lot de vexations qu’elle contourna bravement. Rose Valland joua sa partition autrement, sans conflit ouvert, dans les interstices de la nuance…

Nous qui ne sommes rien,
que saurions-nous de la capitulation
du temps, des images volées,
des heures enfuies,
des ennuis qui s’entremêlent
pour disparaître dans les marches noires
de la trépidation ?


Pour ne pas sombrer dans la folie, Rose écrit donc un journal, un drôle de journal. En partie narrative, réflexions sur la beauté, résumé de la journée ; en partie poétique : onze longs poèmes rappellent la primauté de la spiritualité sur le matériau, fut-il une Vénus encordée prête à aller se réfugier dans la province le temps que des jours meilleurs adviennent…

Ainsi le lecteur est-il happé par les tries de réflexions érudites en contrepoint des poèmes poignants qui légitiment la pensée de Rose. Et si l’art pouvait arrêter le massacre ? Si l’art pouvait enfin relier ces Hommes que tout sépare… Car l’art nous exhorte à vivre en utopie, malgré la communauté civile qui englue les âmes et perverties les desseins ; malgré nos ornières intellectuelles qui nous transforment en troupeau docile ou en Gilets jaunes insoumis. C’est pour cela que la culture repose sur la confiance dans ce que l’esprit offre de meilleur. Nous sommes en 1943, ne l’oublions pas, Jeff Koons et ses amis n’ont pas encore détruit la Beauté. Car n’en déplaise aux grincheux qui se précipitent en masse aux biennales d’art contemporain, c’est bien le plaisir qui dirige notre vie. C’est ce choc émotionnel qui prédomine : il produit sur les individus des sensations qui les dépassent, et les poussent à agir. L’art vient donc compléter cette pesanteur qui nous plombe les épaules. L’art, seule vraie consolation du vide de l’existence, cri et exigence de l’impossible !

François Xavier

Carles Diaz, La Vénus encordée, 224 p. –, Poesis, mars 2019, 18 €

Carles Diaz a bénéficié, pour ce projet littéraire, de la bourse Sarane-Alexandrian 2018 de la SGDL.

 

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