Madame Richardson et autres nouvelles, dernier opus de Christian Laborde

Des femmes, des musiques, des paroles. Un même refrain, des jambes qui s'écartent, une fente. Des femmes. Béance. Un café, un petit matin. Pasolini, René Char. Julie, Sarah. Une ritournelle propre à Laborde. Des sons qui claquent, des phrases qui font mouche.

«  Je m'engouffre dans ton gouffre, je détache et je relâche ma ceinture de sécurité. »

Les fantasmes d'Arthur H ne sont plus très loin. «  O baby, I love you so  !  » Les filles s'assument, despotiques parfois, passent la main dans leurs cheveux, défont leurs boutons de chemise afin que la naissance de leurs seins soit juste visible, juste comme il faut, mûre. Ce sont des filles qui font craquer, doucement ou subitement. Des filles de joie. Nous toutes en puissance. Il y a celles qui savent et les autres qui s'ignorent. Je dessine sa courbe, son échine, sa toison. Elle est belle. Elle attend, elle m'attend. Laborde lui n'attend pas, il avance tambour battant avec le son de chansons qui nourrissent son for intérieur, son imagination. Elles sont toutes belles comme le jour. A prendre. A point. Des femmes, des musiques, des paroles. Des armes dirait Ferré. Le glaive répond, s'immisce, enfonce. Ça fait mal mais c'est tellement bien, c'est extra. Le ventre est brûlant. Les sens crient, en feu. Elsa, elle s'appelle Elsa. «  Elsa, c'est le troisième, et quand on sort de l'ascenseur, Elsa, c'est juste en face.  » Elsa n'a pas mis de culotte ce soir. Elsa va se faire croquer le cul. Lui est peintre. 


Laborde-cartable (en cuir) se laisse  bercer, mener, caresser, par la maîtresse, Laborde maître en nouvelles érotiques. On ne se lasse pas. Puis arrive l'histoire de ce beagle, Talbo. «  Moi qui, pendant des années, avais moisi chez Softive, je marchais, à grands pas, dans la nuit immense, Talbo à mes côtés, un sac sur le dos. Je marchais, j'étais libre, et j'allais libérer des animaux, les copains de Talbo.  » L'histoire de Tony et Maria, la fête foraine, les jeux de poignard, leur nuit, leur fuite, les meurtres, le suicide à bord d'une 230 SL Pagode rouge de 1966. C'est court et ça marche drôlement bien. Les nouvelles sont comme des incisives. On est touchés, surpris, aimés. 


Pour finir le recueil, «  Quai des bribes  »...  avec ce clin d'oeil, fameux, « au créateur du son "destroy-rural"  jouant lors de ses performances artistiques du piano, de la batterie, de la cloche de vache et de la poêle à fond troué dont on usait jadis (use) pour faire griller les châtaignes ». Bernard Lubat ou le soleil d'Uzeste, le bruitiste amoureux, le funambule, le perchiste, l'héritage nougaresque, la douce arrogance du Son. Non, la musique n'est pas une marchandise et cela, C. Laborde nous en aura convaincu en cette belle rentrée de janvier.


Laurence Viémont


Christian Laborde, Madame Richardson et autres nouvelles suivi de Quai des bribes, Editions Robert Laffont, janvier 2015, 208 pages, 17€

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