Stéphane Heaume, L’insolite évasion de Sebastian Wimer : La vérité recomposée

Où se trouve la ville de Karlotta-Pietra ? Pas loin de l’Autriche et de l’Italie, mais ne cherchez pas les montagnes de Karlottashory, l’Opéra impérial, le café Loris ou la mer : vous risqueriez d’avoir du mal à les trouver. Cette ville d’opérette au charme discret est sortie tout droit de l’imagination de Stéphane Heaume, écrivain sensible et exigeant qui remporta le prix du jury Jean Giono pour Le clos Lothar

 

Une ville fantasmée donc, qui ressemble à Venise et à Prague, où il se passe de drôles de choses ou plutôt des choses pas très drôles : milice, arrestations de journalistes, espions, policiers en civil, mise sur écoute : le vent de la dictature et du nationalisme radical souffle sur cette bourgade autrefois paisible et au passé glorieux. Bientôt la ville est déclarée close et tous les habitants pris au piège. Arrive notre héros, Sébastian Wimer, dont la femme Agathe a été assassinée après une manifestation qui a mal tourné.

 

L’homme est inconsolé. Aux Mouettes Noires, il noie son chagrin dans les paysages. Jusqu’au jour où lui apparaît une femme « dont la couleur de l’iris est atténuée par un glacis vert d’eau », le sosie, non une autre Agathe. Comment est-ce possible ? Agathe sortie du silence dit se nommer Kathrin Petersen, mais Sébastian le sait, c’est sa femme retrouvée inexplicablement, revenue d’un pays dont on ne revient jamais. Heaume s’y entend pour décrire le désarroi et l’extase d’un homme, les petits pas précautionneux qu’il prend pour ne pas effaroucher l’amour de sa vie. Pendant que les bruits de la soldatesque résonnent de plus en plus près, Sébastian, aidé de Léos l’étudiant, va concevoir une évasion spectaculaire de la ville-prison au cours d’un défilé offert aux habitants. Mais c’est sans compter sur les fantômes du passé, la trahison des plus proches et le sens d’une histoire nationale meurtrie.

 

D’un romantisme comme on n’en fait plus, d’un classicisme de bon aloi, le dernier livre de Stéphane Heaume, passionné d’opéra, et dont le travail est avant tout celui du rythme, du tempo, de la musique des mots, impressionne par sa maîtrise du style, par le monde qu’il construit phrase après phrase, par la justesse d’observation d’une dictature qui monte. L’un des textes les plus étonnants de cette rentrée littéraire.

 

Ariane Bois

 

Stéphane Heaume, L’insolite évasion de Sébastian Wimer, Éditions Serge Safran, août 2016, 265 pages, 18,90 €

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