Un cri et des silences : "Mon cri de Tarzan" de Derek Munn

Ecrivain anglais, installé dans le Sud-Ouest de la France depuis des années, Derek Munn signe avec « Mon cri de Tarzan » son premier roman publié. On a pu lire auparavant ses nouvelles dans des revues littéraires comme Dissonances ou Rue Saint-Ambroise.

 

Un jeune réalisateur crée presque par inadvertance un film qui s’avère être un grand film, primé dans des festivals et encensé par la critique. La personnalité de cet homme ainsi que l’histoire qui a présidé à la réalisation du film rendent ce succès difficile à accepter pour lui : il a l’impression d’être un imposteur, que sa consécration a quelque chose d’obscène et refuse même dans un premier temps d’aller chercher son prix.


Le film sur l’Afrique que le personnage principal réalise existe contre toute logique, en dépit des difficultés matérielles, sans plan de départ pré-établi, et surtout malgré l’imprévu (notamment la prise d’otage dont il est victime). Le film est hanté par la présence d’ une femme africaine, Buchi, qu’on a enfermée avec le réalisateur et dont le rôle dans cette histoire est pour le moins flou. 

 

Les images du film en question irriguent les 126 pages de ce roman et on se prend à espérer voir ce film imaginaire un jour car, amoureux de la littérature française, Derek Munn est aussi un cinéphile averti. La mise en exergue d’une citation non pas d’un écrivain mais d’un réalisateur (Luc Dardenne) n’a donc rien d’étonnant :

« Trouver le mot qui parle le silence des autres mots. Trouver le plan qui cadre l’invisibilité des autres plans. » 

 

En effet, ce livre ne traite pas seulement de l’Afrique ou du cinéma mais aussi des silences entre les êtres, des blancs de notre histoire, des espaces vides de nos vies. L’essentiel échappe peut-être aux mots et aux images, se cache dans les interstices.

 

Un très beau roman sur l’art en train de se faire, sur des œuvres qui éclosent en marge de l’industrie du cinéma. « Mon cri de Tarzan » est aussi un livre sur le miracle de la création, la magie qu’il y a dans une œuvre d’art touche au sublime et rencontre un succès public. Un texte à l'écriture subtile qui laisse au lecteur sa part d'interprétation, puisque c'est aussi le lecteur qui fait le livre.


Marianne Desroziers


Derek Munn, Mon cri de Tarzan, Léo Scheer, collection "Laureli", 126 pages, avril 2012, 17 euros

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