Le Japon étant l’invité d’honneur du Salon du livre de Paris 2012, les éditeurs ont donc fait feu de tout bois. Comme toujours il faut extraire le bon grain de l’ivraie. Voici une petite perle. Dans tous les sens du terme. Format poche mais maxi plaisir. Ecrit par une jeune femme de trente-cinq ans, philosophe en son pays et femme de l’année 2008 (Vogue Japon). 

Une chronique contemporaine sur la place des femmes. Leur quête de reconnaissante. Leur désir de séduire après quarante ans et avoir connu la maternité. 

Trois protagonistes. La narratrice et sa sœur aînée qui vient la visiter à Tokyo avec sa fille de treize ans. Laquelle ne parle plus et ne communique que par l’intermédiaire d’un petit carnet. Car elle en veut à sa mère qui souhaite se faire gonfler les seins. Elle se questionne sur sa vie. Pourquoi est-elle née sans connaître son père ? Que fait donc sa mère toutes les nuits dans ce bar glauque ? A quoi peut bien servir cette chirurgie mammaire ?

Partant d’un constat alarmant (l’extrême importance de l’image), Kawakami déroule son histoire sur le ton de la farce. Mais derrière les scénettes cocasses se cache la douleur des femmes. Broyées par un système consumériste où tradition et modernité cohabitent tant bien que mal, elles tentent de surnager malgré les écueils. À trois dans le mini studio les rêves s’invitent pour échapper à la télévision et au ronronnement de la climatisation. 

Ponctué par une scène finale hallucinante dans la cuisine où l’œuf sert de catalyseur, ce chant d’amour d’une préadolescente pour sa mère est poignant de vérités non dites. Portrait de la femme moderne qui, mondialisation oblige, subit les mêmes contraintes, qu’elle vive à Tokyo, Paris ou Sao Paolo... A méditer avant qu’il ne soit trop tard...

Annabelle Hautecontre

Mieko Kawakami, Seins et Œufs, traduit du japonais par Patrick Honnoré,  Actes Sud,  "Lettres japonaises", février 2012, 110 p. - 13,50 €