Marion Dessaules vers la lumière

Il y eut toujours chez Marion Dessaules le désir de devenir indienne et de retrouver sa voix parmi celle dont elle se souvient en son enfance (donc son propre souffle traumatisé)  et celles qu'elle invente dans son roman et ses nouvelles.

En tous ces cas la voix s'élève pour exprimer une quête existentielle au milieu de bien de désordres côtoyés ou vécus dans la souffrance de divers types de patients. Et si l'auteur l'évoque, elle ne l'étale jamais. Le tout en chanson de Barbara remixée par Brigitte Fontaine, quelque chose entre "La mal de vivre" et "Ah que la vie est belle".

D'un livre à l'autre la volonté de vivre est là. Marion Dessaules  déchire la membrane qui protège de soi et décode les murailles que les autres (surtout les mâles mais pas seulement) dressent. Si bien que de telles récits posent les questions les plus intéressantes car elles ne sont sourdes ni aux oublis, ni aux tourments.

Peu à peu le monde des vulnérables se refait une santé là où la vie est à revoir au milieu de ceux qui se croient immenses en leur Pâques et Pentecôte de cendres et qui se remplissent de mots pour faire sacrifier l'autre (souvent la femme) à leurs rituels.

Marion Dessaules pétrit des gouffres mais elle va jusqu’au bout de sa vérité en soulevant des poids de peurs, de peurs ployés qui permettent aux maîtres de divers genres de  faire subir leurs petites insolences comme leurs fantasmes à  des victimes innocentes.

Dans leur diversité ces trois livres deviennent des fenêtres. Elles percent des murs bien hauts de lieux qui enfoncent l'être en ce qu'il n'est pas. Et la littérature n'est pas pour rien en de telles histoires de chutes et de sauvetages. Elle permet de quitter les interdits parloirs de vieux lycée ou d'hôpitaux psychiatriques.
Aux emportements du vide fait place un passage. Il  permet de respirer l'autre lorsqu'on se respire soi-même. Dès lors le corps ne se réduit pas à ses divers boyaux et à des membres dont furent amputées les ailes. Le désir ni ne se contracte, ni ne se biffe : d'un acte à l'autre il avance.

La bouche enfante enfin les coups de cri du silence. Ses dents coupent le cordon du taire. A chaque coup de dents c'est un morceau du soleil qui revient. Les déplacements ne se heurtent plus aux enfermements.
La lumière entre.

Jean-Paul Gavard-Perret
 

Marion Dessaules, Ni le sol ni le soleil ; Juste une voix ; Une enfance aux éclats, MJW Féditions, mars, 2020, 164 p, 150 p, 132 p., 24 €, 23 € et 20 €

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