Le célèbre tableau "Chasseur dans la neige" de Brueghel l'Ancien, permet à Poindron de nous embarquer dans un paysage hivernal qu'il découpe en diverses sections narratives d'un labyrinthe aussi optique que poétique.
S'entrecroisent les empans du "registre de Piotr le Vénérable", les "Chroniques des froidures & des temps dérisoires" et les souvenirs de l'enfant Piotr le Novice. Le fils se tait toute la journée mais le soir il retrace ce qu'il a  vu ou entendu.

Il ne sombre jamais dans les détails et ne retient que la substantifique moelle des propos et actes du père. Ce Vieux est une sorte de sage et rappelle – par exemple – que la philosophie est bonne à écouter et qu'il faut la pratiquer un peu chaque mois mais sans en abuser : il ne faut jamais philosopher à plein temps mais seulement à raison.
Tout est raconté de manière drôle et altière. Le temps d'alors – où une femme accouche dans la neige – est presque comparable au nôtre.Le diable – même si nous n'y croyons plus – à raison de nous. Ce qui viendrait à faire douter de l'existence de Dieu. Néanmoins Piotr Le Vénérable est prévenant  : il prend soin de n'en rien dire à son épouse.

À sa manière c'est un héros du quotidien. C'est aussi un savant qui à bon escient ne manque pas de consulter "L'Étreinte ou la neige sexangulaire de Kepler" où il découvre une cosmologie particulière.
Et chaque jour, lorsque son fils met le point final à la relation de sa journée, reste au lecteur de faire son miel de ce que le scripteur journalier comme le rédacteur du registre du Vénérable lui auront appris. Si bien que ce qui ressemble à des contes devient un véritable manuel de sapience où le dur passé se mêle au bel (enfin presque) aujourd'hui.

Jean-Paul Gavard-Perret

Éric Poindron, Brueghel, Des secrets dans la neige,  Editions Invenit, décembre 2020, 127 p., 15 €