Paris par mots et tableaux

En 1955, en noir et blanc, portant un titre prometteur, le film Si Paris nous était conté reprenait l’histoire de la ville depuis les origines jusqu’à cette date. Aujourd’hui, voici que Paris nous est raconté en couleurs cette fois, à travers les mots des écrivains et les images des peintres, un double regard qui se veut à son tour une nouvelle déclaration d’amour envers la Ville lumière. C’est en suivant les pas et les choix de Sophie Chauveau qui explore lentement la cité qu’on appela Lutèce que le lecteur peut à son tour, guidés par un ensemble de textes et de tableaux, suivre à sa guise les itinéraires proposés afin de découvrir ce qui fait le charme de Paris. Il s’orientera entre sa part flamboyante et son côté secret.
C’est donc une sorte de pèlerinage à entreprendre où les repères sont nombreux et multiples. Il faut mettre en correspondance les pages de gauche et celles de droite. Ou mieux, en harmonie lecture et peinture. Quelques noms suffisent à les marquer, chacun apportant une vision et une émotion composant un visage vivant à partir de cette mosaïque signée soit par des célébrités comme Manet, Hugo, Van Gogh, Balzac, Zola, Seurat, Turner, Flaubert, soit en ce qui concerne les illustrations, par des artistes moins réputés voire inconnus mais qui apportent une vision personnelle comme Firmin Girard, Luigi Loir, Henri Achille Zo, Edouard Zawiski.

Qui ne connaît ces monuments qui ont donné de Paris à travers le monde une réputation de lieu où s’additionnent l’histoire, l’art, la technique, le savoir, la nature, la spiritualité, la vie sociale : la Tour Eiffel, Notre-Dame, la Sorbonne, le Louvre, le Bois de Boulogne, les cafés ? Par les ponts, le promeneur enjambe la Seine et relie les deux rives, dans ses musées il admire les trésors antiques et les œuvres les plus contemporaines, dans ses jardins il marche à loisir, assis aux terrasses il observe les gens qui passent, accoudé au zinc il entend les commentaires des clients.

Sophie Chauveau ne cache pas son amour pour Paris. Elle tutoie ses quartiers, compte ses dômes, arpente ses ruelles, note les façades des maisons où vécurent de grands penseurs ou de remarquables savants, se repose en rêvant sur les bancs d’une place, revit Mai 68, n’oublie pas les cimetières, apprécie de se balader dans une gare, n’omet aucun des passages qui contribuent à nourrir cette atmosphère à la fois unique et familière de Paris. Elle vit au rythme des saisons de la ville qui égrènent sur son visage le passage des siècles en lui donnant ses nuances sans en altérer les traits.
Certes, on a rasé des églises vénérables, d’anciens vestiges qui étaient des repères depuis les Parisii ont disparu. Mais est-ce que vraiment l’urbanisme de Napoléon III et du baron Haussmann ont causé de vrais ravages en comparaison à ce qui a été fait depuis ? On pourrait discuter des impacts laissés par la Tour Montparnasse, la Pyramide et les colonnes de Buren ?
Paris se relève toujours de tout, constate Sophie Chauveau. Elle a raison. Il faut espérer que l’avenir esthétique de la capitale, jusqu’alors équilibré dans son ensemble, ne sera pas trop mis à mal par des innovations trop souvent inadaptées, telles que celles qui sont lancées actuellement. Si aménager le décor citadin se conçoit, il faut se garder des idées nouvelles qui veulent modifier un passé jugé dépassé mais défigurent le style général de cette ruche bourdonnante sur laquelle les yeux de Rastignac s’étaient attachés presque avidement. 

Dominique Vergnon

Sophie Chauveau, Paris des peintres et des écrivains, 183x229 mm, illustrations couleur, Hazan, octobre 2023, 240 p.-, 35€

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