La saga Star Wars a généré de multiples adaptations en comics : Marvel Comics en produisit un grand nombre et des auteurs comme Archie Goodwin, Carmine Infantino et Walt Simonson y ont contribué. Depuis plus d’une vingtaine d’années, c’est l’éditeur Dark Horse qui gère la franchise, plutôt avec succès. Ici, on trouve aux commandes une équipe artistique française (les dessinateurs Stéphane Créty et Stéphane Roux), ce qui était déjà le cas avec Olivier Vatine sur L’héritier de l’Empire. John Ostrander est quant à lui un vieux routier du scénario, avec à son actif une prestation appréciée sur Le spectre. Situé dans la chronologie de la série trois ans avant l’épisode 4, que nous apporte de spécial Agent de l’empire ?

De bonnes raisons d’être du mauvais côté ?

Le postulat de départ vaut le détour : Jahan Cross est un espion, attaché à identifier et à neutraliser les ennemis de l’Empire : officiers corrompus et trafiquants sont son gibier favori. Eh oui, Ostrander réussit à nous intéresser à un impérial qui semble se battre pour de bonnes raisons : pour lui, l’Empire permet d’assurer l’Ordre dans la galaxie, un ordre auquel il se raccroche pour des raisons personnelles - sans savoir qu’il se retrouve à défendre le côté obscur. Cross fait penser à ces Allemands engagés aux côtés du nazisme pour défendre leur patrie bafouée, persuadés que le IIIe Reich allait apporter la prospérité. Le parallèle a ses limites mais permet d’appréhender l’intérêt que le personnage peut susciter chez le lecteur. S’ensuit un récit trépidant, plein de péripéties, où l’on croise Han Solo - Cross et lui se connaissent de l’académie des pilotes - et  Chewbacca,  avec en prime une belle jeune fille à sauver. Tous les ingrédients d’un récit d’aventures à la sauce space opera.

Les Français dans le comics : une intégration réussie !

Quant au dessin, nous sommes loin de la ligne claire. Créty et Roux adoptent successivement un découpage dynamique, propre au comics, avec pleines pages et gros plans sur les visages - d’où une caractérisation assez forte des personnages. L’encrage de Julien Hugonnard-Bert permet d’homogénéiser l’ensemble mais force est de constater que les deux dessinateurs avaient déjà un style voisin. Très tourné vers l’action, le dessin accroche l’œil et colle parfaitement au rythme du scénario d’Ostrander. Bien sûr on ne peut pas parler ici d’un style personnel, les auteurs ont choisi d’être efficaces. Et ça paie.

Au final un très bon album des éditions Delcourt, qui s’adresse avant tout aux amateurs du monde de Star Wars mais aussi aux amateurs de comics. Car le choix du point de vue développé par Ostrander, à travers le personnage de Jahan Cross, apporte une ambigüité à cet univers complexe)  mais très polarisé bien/mal, bon côté/mauvais côté de la Force, etc. Quelle sera la suite ? De quel côté penchera Cross quand la Rébellion enflammera la galaxie ? Quid du tome 2, donc ?

Sylvain Bonnet

John Ostrander & Stéphane Créty & Stéphane Roux, Star Wars - Agent de l’empire, tome 1 Projet éclipse, éditions Delcourt, septembre 2012, 148 pages, 14,95 €