Stéphanie des Horts, Le roman de Rita H : Le Gant de Gilda

Si le monde entier connaît Rita Hayworth pour ses rôles dans Gilda ou la dame de Shanghaï, fort peu de ses admirateurs ont en mémoire la vie tragique de Margarita Cansino, montée sur les planches à quatre ans pour danser le flamenco.

 

Devenue d’une beauté irréelle à l’adolescence, à force de transformations, rebaptisée Rita, la jeune fille va faire tourner les têtes de millions d’hommes parmi lesquels Orson Wells et le Prince Ali Khan. Le premier lui fera lire Shakespeare, le second lui offrira des monceaux de roses et de diamants. Mais tous deux seront volages, sa jalousie maladive les éloignera, son complexe d’infériorité faisant le reste.

 

Vivant dans un tourbillon intellectuel avec Wells, elle ira de palace en palace, de pays en pays avec Ali Khan mais jamais ne trouvera le bonheur.

 

La petite fille issue d’un milieu modeste aura la gloire et l’argent par éclipses mais pas le foyer calme pour y construire une vie de famille apaisée.

 

Au contraire, elle connaîtra une existence infernale, traquée par les paparazzis, déguisés en plombiers ou en réparateurs de téléphone, sera traitée de « divorcée qui brise un ménage », traînée plus bas que terre au temps de sa splendeur, méprisée durant de longues années quand sera venue la maladie d’Alzheimer et jamais ne se trouvera à la hauteur de ses maris prestigieux, malgré des « journées d’azur et d’or », de démesure. Lors de son mariage avec Ali Khan, 450 litres de son parfum Guerlain sont déversés dans la piscine au bord de laquelle évoluent ducs et princes de sang ou du show-business. Mais elle est ailleurs, pas à sa place, attend avec impatience que la journée se termine.

 

Tout va toujours trop vite, elle ne sait plus qui elle est. Se comporte en enfant parfois irritable, insupportable que sa trop grande beauté entraîne vers des milieux auxquels elle ne s’intègre pas.

 

Restée en bons termes avec les deux hommes de sa vie, elle se détruira ensuite avec d’autres, minables, sera battue, exploitée, comme elle le fut dans son enfance misérable et violée, sans école ni amis. Se sabordera en refusant les rôles principaux de « tant qu’il y aura des hommes » ou de la « Comtesse aux pieds nus » pour suivre un chanteur raté et violent. Connaîtra très tôt dès la quarantaine des trous de mémoire que son entourage mettra sur le compte de l’abus d’alcool mais continuera à tourner.

 

Le roman de Stéphanie des Horts, très documenté s’ouvre sur une scène éprouvante. À New York, à 44 ans, elle perd déjà la mémoire, ne sait plus où elle est, ne parvient pas à apprendre le texte qu’elle doit dire dans une pièce de théâtre.

 

Mené avec une fougue et un sens du rythme époustouflants, le livre écrit à la première personne est construit avec des enchaînements magistraux où se mélangent passé et présent,  grandeur et souffrance. Les rôles sont décrits avec tant de vivacité que le lecteur est immergé non seulement dans la vie mais dans les intrigues des films.

 

Sur un tempo éblouissant, les pièces de théâtre succèdent aux films, chefs d’œuvre ou navets, les voyages en avion ou en paquebot relient un continent à l’autre. Les maisons s’achètent et se quittent aussi vite qu’un vêtement. Les séducteurs passent. À chaque fois elle croit trouver l’homme de sa vie mais ce rêve d’enfant se transforme vite en histoire invivable ou glauque.

 

Et celle qui n’a jamais connu de famille normale, la tendresse d’une mère ou la sécurité d’un père, devra s’arrêter de tourner en 1978 avec ses « rêves effondrés ».

 

D’elle, ne restera qu’un gant, celui de Gilda, des films par dizaines et le beau roman enlevé de Stéphanie des Horts.

 

Brigit Bontour

 

Stéphanie des Horts, Le secret de Rita H., Albin Michel, avril 2012, 267 pages, 18 €

 

Lire également la critique de Gerald Messadié, l’entretien réalisé par Cécilia Dutter et l'entretien réalisé par Emmanuelle de Boysson..

 

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