Nécessaires dérivations de William Burroughs

 Ce coffret d’une rare qualité et originalité permet d’entrer dans l’immense peep-show de Burroughs. L’auteur s’est défini comme  “ L’homme de nulle part ”. Il a cassé les phrases, a mis dans l’obligation d’une autre lecture. Il a appris à lire autrement en « insultant » sinon le verbe du moins ses structures. Sortant le livre du livre il en brûla le brochage. Ses textes se parcourent tels des dédales infinis “ un pandémonium scriptural - un théâtre ” (G-G Lemaire). Tout se met à fonctionner sur un plan différent pour la fin des mécaniques logiques. Il n’est plus question d’introduire le penny dans la machine. La structure narrative fend la pièce, transforme la narration en un pick-up branché par une prise multiple sur divers registres.


 Dans ce luna-park des voix se font écho d’un manège à l’autre.  Les miroirs se brisent, le lecteur est mis en danger. Il est donc urgent de revenir à Burroughs  au moment où la littérature se replie sur elle-même. L’auteur du “ Festin Nu ” a brouillé les pages, a provoqué des ravages, des passages imprévus. Certes la théâtralisation de sa vie n’aura pas forcément servi son œuvre - même si de l’une à l’autre perdure une logique. Les voix et voies perdues, les déserts, les parkings  sont chez Burroughs ce qu'ils sont dans la réalité : des univers sales qui s'élèvent en faux contre les figurations colorisées, lobotomisées façon Universal. Ne demeure qu’une  caverne où l'auteur glisse ses mots acides entre bitume et acier pour mettre fin aux complots des pouvoirs et jeter à l'extérieur du cercle de fausse convivialité des saigneurs des anneaux.

 

Jean-Paul Gavard-Perret


Coffret William Burroughs, Éditions Derrière la Salle de Bains, Rouen, 42 exemplaires, 50 €. Le coffret est actuellement en souscription et paraîtra fin mars-début avril.

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