La Peau de l'Ours n'a pas été vendu par Oriol et Zidrou : ils l'ont gagnée !
Don Palermo habite dans les hauteurs de l'île de Lipari et, chaque jour, Amadeo peine avec son vélo pour aller lui lire l'horoscope en échange d'un petit billet de dix. Un café chaud ou froid, en fonction des possibles crevaisons de la roue du jeune homme et la lecture commence. Une lecture assez courte où seule la case "amour" des taureaux importe réellement. Car le vieil homme guette un message : un message qu'il attend depuis des années.
Que peut-donc guetter avec tant d'acharnement cet italien aveugle ? Amadeo est tiraillé par cet homme qui pourrait être son grand-père. Au point de délaisser la jeune Silvana qui, inlassablement, cherche à partager un moment d'intimité dans la nature italienne. Alors l'ancêtre se confie. Mais hélas, la vie fut moins généreuse que le soleil de la région : père assassiné et mère « pragmatique », il vivait dans un cirque. Et ce jusqu'à ce qu'un dénommé Don Pomodoro, mafieux d'une cinquantaine d'années, réussisse en une nuit à tuer son ours, lui faire perdre sa virginité avec des filles de joie, ses dernières illusions sur la beauté de la nature humaine et prendre sa première cuite.
Mais ce que ne savait l'être abject au costume blanc, c'était qu'il venait d'offrir au jeune du cirque la plus belle chose de la vie en lui ouvrant la porte de son monde : l'amour et l'espoir qu'il porte avec lui.
La Peau de l'Ours est sûrement une BD absurde en apparence : servit par un dessin coloré mais totalement irréaliste, elle voit une histoire de vengeance commencer par la mort de l'ours... A partir de là, il est possible de le vendre non ? Et justement, c'est tout l'inverse qui se produira, le montreur d'ours sans ours tombera petit à petit dans le monde de l'horreur et de la violence, presque malgré lui, sans pour autant réussir à se venger.
Cependant cela ne trouble pas le lecteur : est-ce dû au fait il ne s'agit que de l'histoire d'un vieil homme à l'article de la mort se confiant à la jeune génération ? Ou au panachage entre l'histoire d'amour et celle de la vengeance ?
Qu'importe la raison : il faut simplement noter que cela fonctionne bien au-delà de tout ce que le lecteur pourrait penser en feuilletant les planches. Car une poésie magnifique apparaît dans l'ensemble, tant par les paroles des personnages qui – bien qu'horriblement amoraux – conservent une certaine classe que par la présence d'une scène gratuite mais pleine de tristesse : celle où le père de Silvana tente de l'aider.
Au final, la Peau de l'Ours est sûrement une aventure exceptionnelle, notamment par sa simplicité. Mais le dessin empêchera, à n'en pas douter, beaucoup de profiter pleinement de l'excellence de l'ouvrage et à raison ! Oriol sert ainsi excellemment le scénario de Zidrou en forçant le lecteur à sortir de lui-même afin de comprendre les actions de ces anti-héros en quête, parfois inconsciemment, d'un pardon.
Pierre Chaffard-Luçon
Oriol & Zidrou, La Peau de l’Ours, Dargaud, juillet 2012, 62 p. – 14,99 €
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