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La glace et le sel : que faire quand Dracula est à bord ?

Le capitaine du Déméter n’a pas l’habitude de se poser de questions, il transporte ce que les armateurs lui confient, et fantasme nuit et jour sur les corps luisants de son équipage. Homosexuel refoulé, il n’ose mettre en pratique les songes salés de ses nuits, poussant le vice jusqu’à n’engager que des matelots imberbes, venus du Nord, donc sensés être plus sensibles aux fortes chaleurs, et ainsi il reluque leurs corps trempés par la sudation en s’imaginant les lécher…

Vu comme ça, c’est un peu glauque, d’ailleurs le début du roman pèse par la lourdeur des désirs du capitaine. Fort heureusement, les caisses de terre qui sont sa seule cargaison pour ce drôle de voyage, vont apporter leur lot d’angoisse et de terreur vaines, puisque tout le monde connaît la fin.
Le principe de cette collection est de tirer des perspectives entre des faits existants pour en inventer les conséquences à partir d’interactions provoquées par l’imagination de l’écrivain.  Dans le roman de Bram Stoker, le bateau arrive au port sans équipage, par magie, portée par le souffle de Dracula ; or personne ne sait ce que fut le voyage depuis la Roumanie : quel fut le calvaire de l’équipage ?

José Luis Zàrate ose donc transgresser le mythe pour inventer un début ; comme d’autres ont osé une suite à Autant en emporte le vent… Si l’on se serait bien passé du trash autour des penchants homos (on invite l’auteur à aller visiter quelques clubs gays pour épancher sa soif et nous éviter la prochaine fois certains paragraphes), le rendu de l’atmosphère qui règne sur le Déméter est nettement plus captivant.

L’écho du récit varie entre cet appel du sang que fait peser la présence du vampire qui se rassasie toutes les nuits, et l’appel de la chair que le regard du capitaine porte sur ses hommes… Rongé par la culpabilité (un amour de jeunesse qui a mal tourné), le capitaine aura alors à même de tenter de se racheter en faisant acte de sacrifice pour sauver les âmes de ses matelots, et tenter de saborder le bateau afin que le monstre à bord n’arrive pas à ses fins.
On connaît la suite…

François Xavier

José Luis Zàrate, La glace et le sel, traduit de l’espagnol (Mexique) par Sébastien Rutés, Actes Sud, coll. « Exofictions », avril 2017, 176 p. – 15.80 euros

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