André Breton en son sommet

Grâce à ce précieux coffret, Breton retrouve toute sa valeur d'écrivain. Nadja reste a plus d'un titre son chef-d’œuvre. Et l'étude illustrée de Jacqueline Chénieux-Gendron et Olivier Wagner qui accompagne cette édition de prestige est là au besoin pour le rappeler.
Breton quitte ici sa popeline politique et retourne à une vocation plus profonde : la liberté, la rencontre, la folie, le hasard, la femme, l'amour. Nous sommes soudain dans l'essence du surréalisme en se propension d'avant-garde non seulement temporelle mais éternelle.

Les spéculations de Nadja ouvrirent bien des portes autant à l'écriture qu'à la conception même du livre, de la poésie  et de l'art. Certains estimèrent découvrir là un Breton désinvolte au moment où son intelligence instinctive prend soudain le dessus. L'auteur est capable d'argumenter sans logos insistant ce qui pouvait sembler les hypothèses les plus folles et ce, sans la moindre vanité ni remugles de mondanités ou de pouvoir.

Avec Nadja Breton ne vit pas sur le dos de Dada, de la Metafisica et du Futurisme. Il ne cherche pas non plus à construire sa statue. C'est pourquoi Nadja reste le livre plus vivant et le plus libre de l'auteur.
Aux étouffements des écoles et des carcans il propose un Vase Communicant bien plus performant que toutes les avancées qu'il put produire. D'où la qualité du travail sourd et discret de celle et celui qui l'ont fomenté. Il prouve que sans ce livre la littérature de la première partie du XXe siècle et le Surréalisme en premier n'auraient pas été ce qu'ils furent et restent.

Breton montre dans un langage accompli la constitution d'un visible qui ne se fait jamais en terme de simple déposition chromatique ou signifiante mais par l'avènement d'une lumière. Elle jaillit de l'épaisseur et de la densité de la vie. Elle se noue aux mots de l'auteur. Et l'édition en fac-similé permet d'apprécier l’émerveillement d’un tel texte. La précision de l'écrivain s'équilibre avec une discrétion assurée mais significative. Nous sommes dans une telle dérive existentielle bien loin – "preuves" et "arguments" à l’appui  ou ce qui en tient lieu – d'un monde de médisances et de suffisances. La poésie trouva là un nouveau chemin.

 

Jean-Paul Gavard-Perret

 

André Breton, Nadja, coffret, Fac-similé du manuscrit et étude illustrée de Jacqueline Chénieux-Gendron et Olivier Wagner, coédition Gallimard & B.N.F., novembre 2019, 80 p.,180 €

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