Jardins, lieux de pouvoirs et de savoirs

L’histoire le prouve, la géographie le confirme, chaque peuple comme chaque individu met dans son approche de la nature beaucoup de son regard et de ses affections, ou, pour reprendre les points cardinaux que l’auteur mentionne au début de ce livre consacré à cette longue et riche relation entre l’homme et le jardin, ses pratiques, ses savoirs, ses caprices, ses utopies, ses modes. Les jardins sont d’une certaine façon les manifestations visibles des manières de penser et des attentions humaines envers la présence de la vie même de la nature, par essence aussi éphémère à cause de sa caducité que pérenne grâce à ses renouvellements. Nés de la conquête du monde végétal et de la connaissance de ses exigences, les jardins, au long de l’histoire et au gré des continents, sont les reflets vivants d’arrangements réciproques, de croisements de désirs et de besoins partagés. Une longue patience, une observation continue, des tentatives réussies ou des résultats malvenus contribuent à cette double culture. Le jardin est toujours « un véritable terrain d’expression artistique ».

 

On imagine combien à l’aube de sa présence sur terre, l’homme découvrit avec ravissement les possibilités offertes par la nature et les pouvoirs de sa main. Que lui fallait-il ? De l’eau « qui vaut son poids d’or, l’eau dont la moindre goutte tire du sable l’étincelle verte d’un brin d’herbe » selon les mots de Saint-Exupéry et de la lumière. Rien d’autre pour faire naître ces espaces merveilleux qui au fil des siècles, sont devenus des lieux de civilisation. Le Croissant fertile fut certainement « le premier berceau du jardin », note Philippe Prévôt, qui connaît parfaitement chaque allée, chaque recoin, chaque signification, chaque floraison, chaque acteur de ce domaine immense qu’est la longue épopée des jardins. De Babylone et de Rome aux parterres géométriques et aux plantations verticales qui décorent certaines façades modernes, il propose à son lecteur non seulement de voyager à travers ces endroits somptueux où poussent roses, tulipes, camélias, arbres fruitiers, buis, légumes, ormes, autrement dit l’infinité des arbres et des plantes imaginables, mais aussi de comprendre le pourquoi et le comment de ces constructions végétales qui réjouissent et séduisent l’œil, l’intelligence, le cœur.

 

Le génie humain a su composer des jardins secrets en Italie où le passant entre comme dans un cabinet de curiosité où la connaissance de la verdure alentour est une science, des jardins de cottage en Angleterre où vivaces et primeurs voisinent, des parcs où les citadins peuvent oublier la ville, des hortillons où sur l’eau circulent les chalands chargés de savoureux produits, des cités-jardins qui promeuvent un autre art de vivre, des orangeries à l’architecture typique, des jardins de curés et des jardins ouvriers, quantités de sites qui requièrent des trésors de qualités et d’expériences. Il est passionnant de suivre l’évolution des perspectives, des goûts, des usages, de la Chine à Giverny, des bonseki aux pylônes fleuris au temps de l’Art Déco. Partout, de Chenonceaux à Central Park, de Castle Howard à Chiraz, à travers les siècles et les pays, une même ferveur anime les botanistes. L’auteur guide les pas de l’amateur, l’invitant à découvrir cette profusion de savoirs et de pouvoirs, des délicats dessins des Encyclopédistes aux instruments de jardinage et à voir autrement ce patrimoine universel.   

 

Dominique Vergnon

 

Philippe Prévôt, Histoire des jardins, Ulmer, 320 pages, illustrations, 17x24 cm, février 2016, 26 euros. 

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