Robert Doisneau. In memoriam

Décédé voici trente ans déjà – et  le jour même du populaire et humoristique poisson d'avril, ce qui, en frangin des frères Prévert, ne lui a certainement pas déplu comme viatique !  – Robert Doisneau confiait dans un entretien accordé à Frank Horvat pour Entre-Vues en 1990 : Le monde que j’essayais de montrer était un monde où je me serais senti bien, où les gens seraient aimables, où je trouverais la tendresse que je souhaite recevoir. Mes photos étaient comme une preuve que ce monde peut exister.

Aussi, bien sûr rien d'étonnant à ce que, fin des années cinquante, il ait été ravi en découvrant, entre Lure et Luberon, perché sur le dos d'une colline à cheval sur deux vallées, le paisible petit village haut provençal de Montjustin. Ravi, certes, mais surtout intérieurement comblé en y partageant, lors de deux séjours mémorables, l'amitié et le pain quotidien de sa quinzaine d'habitants ; s'en donnant aussitôt à cœur joie en y photographiant hommes et bêtes, souvent les deux ensemble, à la fois, tout en tombant aussi chaque jour un peu plus profondément en amour des peintures d'un certain Serge Fiorio auxquelles il assiste alors en direct à la création et dont l'esprit – celui de malicieux carnavals notamment, ou encore, burlesque, de certaines singulières scènes de fêtes foraines villageoises – se trouvait particulièrement en phase avec celui-là même depuis toujours prégnant en chacune de ses photographies.

Allié de cœur, substantiel par nature, de cet art poétique proprement humaniste et balayant par conséquent d'un vif revers de plume toute spéléologie égotique ainsi que le moindre sacrifice aux stériles modes de création "contemporaine" – bien trop souvent uniquement snobs, cérébrales et/ou idéologiques –, le poète Lucienne Desnoues écrit, dans l'une de ses épistoles (un mot qu'elle aimait bien) à un ami datée du 1er octobre 1975 : Dans notre époque si ridiculement intellectualisée, on a, n'est-ce pas, une envie folle de célébrer les choses de la vie, les chaleurs du bonheur...
Ce dont, chapeau bas et encore merci à lui, Robert Doisneau, de son côté, s'est fait LE chantre en photographie.

André Lombard

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