Thomas Schütte : roman / théâtre

A l'entrée de cette fantastique exposition de Thomas Schütte, un dragon souffleur de feu accueille les visiteurs. Ils vont se confronter à des femmes de bronze puis une série de peintures de d'aquarelles et à tout un monde de diverses matières (dont le verre et la céramique) au fil des trois temps de cette monstration : la figuration, le rapport à la mort et les architectures et maquettes là où le musée et l'amusement sont tout sauf du décor.

Thomas Schütte est un artiste majeur. Il permet sans cesse de passer du plus petit au plus grand, de l'architecture au motifs dans divers jeux d'échelle. A la base il existe de minuscules figurines en pâte à modeler, sortes de grotesques effrayants et drôles transformés. Elles sont ensuite transformées en des grands formats puis des sculptures monumentales.
Existent là un merveilleux particulier et un évènement plastique d'une rare intensité. La question de la figuration y est centrale. Mais au-delà tout est séduisant, sidérant, hors échelle. L'ensemble est un immense théâtre qui dérange et où l'artiste fait implicitement de sa vie un roman en rien égotique.

Dans son expérimentation, l'oeuvre est une subversion des codes selon une dimension dialogique et polyphonique. Et l'exposition permet d'entrer dans un processus de création unique. Le plasticien fait preuve d'un sens de l'espace et de la narration inédit.
Schütte n'est en rien un artiste pour les artistes : il ouvre une représentation existentielle qu'il a soin de ne jamais fermer. Il n'est sans doute pas à sa juste place : à savoir au sommet de l'art. Il est vrai que son oeuvre dans la dureté et la solitude qu'elle induit ne se prête pas à une empathie naturelle.

Mais le plasticien invente ce que les autres créateurs ne font pas. Existent là des histoires d'actualités et des histoires "de famille" loin de tout aspect décoratif en ce qui tient d'un théâtre hors de ses gonds de la part de celui qui ressemble à un enfant. Mais qui ne croit plus au Père Noël mais transforme l'art en un don qu'il ne cesse de déchiffrer jour après jour.

Jean-Paul Gavard-Perret

Thomas Schütte, Trois actes, Rétrospective, Monnaie de Paris, du 15 mars au 16 juin 2019

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