un "Histoire du Manga" de Karyn Poupée

Culture cherche racinesKaryn Poupée tente de retracer les origines de ce phénomène culturel devenu culte qu’est le manga, actuellement principale source de revenus pour la bande-dessinée en France. De l’ère Meiji à la vague Shonen Jump, de Tezuka à Toriyama, cette Histoire du Manga retrace chronologiquement l’évolution de cet art pas comme les autres tout en mettant en exergue les relations exigües entre ledit art et les fondements propres de la société nippone. 

Karyn Poupée met ainsi en corrélation l’évolution du manga avec l’histoire contemporaine du Japon, comment la société nippone a su l’utiliser comme vecteur de communication et comment il a pu s’imprégner des différents courants de pensée contemporaine au point de devenir le reflet même de cette société. En outre, elle parvient à montrer à quel point le manga est un acteur économique majeur, et qu’au delà des velléités artistiques, le facteur financier est un aspect prépondérant  du média. Ce dernier étant parvenu à  brasser des sommes colossales durant les années quatre-vingt avant de plonger dans une crise surconsumériste parallèle à la crise économique qui secoue le pays depuis plus de quinze ans maintenant. Voici donc tous les enjeux que s’efforce de présenter l’auteur au delà d’une simple histoire chronologique.

À la recherche d‘un second souffle

Après avoir analysé le Manga de Jean-Marie Bouissou basé sur un concept similaire, il m’est donc difficile de ne pas comparer les deux ouvrages afin d‘élargir la réflexion d’ensemble. Malheureusement, la comparaison met en avant les faiblesses du présent ouvrage, Karyn Poupée n’arrivant jamais finalement à happer le lecteur comme l’avait fait Jean-Marie Bouissou précédemment. Car si on ne peut en aucun cas reprocher à l’auteur la maîtrise du sujet, on peut par contre retenir l’absence totale du souffle qui permet à un essai de captiver son lectorat. L’austérité du style est de mise, la lecture relève tout du long d’un processus soporifique comme si l’œuvre n’était qu’une simple commande dénuée de l’intérêt pour le sujet par son commanditant. Même si l’ouvrage de Jean-Marie Bouissou pouvait parfois perdre le lecteur par sa multiplicité référentielle propre à dérouter le néophyte, il parvenait toutefois à captiver le quidam dépourvu de tout intérêt ou de connaissance du sujet. Ici, Karyn Poupée fait preuve d’une rigueur froide entraînant même le lecteur le plus passionné par le sujet sur les rivages de Morphée. Ne parvenant jamais finalement à égayer la lecture d’un ludisme nécessaire à un tel sujet, Karyn Poupée oublie que l’on traite ici de bande-déssinée pas de la marche funèbre des prisonniers soviétiques des Goulags. Si l’on ne peut pas nier du volontarisme qui a sans nul doute animer ses recherches, on peut par contre légitimement s’interroger sur les raisons qui l’ont poussées à écrire ce livre, car il semblerait qu'elle ne soit pas touchéepar son sujet...

Sans vouloir continuer dans la contreverse on peut conclure en constatant que cette Histoire du manga ne démérite pas sur l’ambition du projet initial. Parce que trop aride, sa lecture déroutera le plus grand nombre, tant la passion et l’attrait pour ce type de sujet était nécessaire à la réussite finale, qui est une micro histoire de spécialiste, et dont Karyn Poupée semble dépourvue. Avec plus de passion, l’ouvrage ne serait pas tombé ainsi dans les travers d’un mauvais documentaire animalier télévisé...

François Verstraete 

Karyn Poupée, Histoire du Manga, Tallandier, juin 2010, 397 pages, 23 euros
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