Notre mère la guerre, tome 4 : Requiem

On attendait avec quelque impatience la suite du récit de Kris, illustré par Maël : Notre Mère la guerre. En voici le tome IV, cette fois sobrement intitulé Requiem.

 

Le caporal Peyrac, en 1916, accusé d'avoir tenu des propos « défaitistes » et de favoriser le « passifisme » (1), est jugé par un tribunal spécial des forces armées.

- De quoi, de quoi ! caporal, le maréchal Joffre « pioncerait » loin du front, selon vous ?!


Deux officiers enquêtent sur des morts suspectes qui se seraient produites aux alentours du front, précisément quand ce foutu Peyrac se trouvait commander une unité dans le secteur. Les tranchées grouillent de rats. Ce qui est plus affligeant encore, c'est qu'on y trouve aussi les traces de meurtres que commettrait Peyrac, sous la forme de bribes et morceaux d'humaines créatures.

Et d'abord, qu'est devenue sa femme, Colette ?


Les soupçons des deux enquêteurs vont donc s'appesantir sur le caporal avec quelque raison. Pendant ce temps, dans la boue et la merde, les pauvres pioupious rêvent de recevoir une balle dans la cuisse, histoire d'être évacués sur l'arrière, et surtout pas de prendre un " biscaïen " (2) en pleine poire. Le caporal Peyrac échappe à tout. Est-il vraiment coupable ? L'un des officiers va le traquer, l'attraper, le faire parler...


Servie par un dessin sombre et fouillé, celui du bon Maël, déjà connu pour son dessin dans des récits en deux tomes, tels que Les Rêves de Milton ouTamino, l'intrigue court tranquillement vers son dénouement implacable. Mort à crédit n'est pas bien loin... Les couleurs se sont affermies, et la boue jaunâtre des tranchées sied à son pinceau d'aquarelliste. Le monde affligeant et sinistre qu'il a peint est un monde d'oubli et de mort.


À la fin, quand la guerre s'arrête – provisoirement, pour les 21 années à venir –, une terrible citation de Tim O'Brien venue d'À propos de courage remet les pendules à l'heure : il n'y a pas de héros, pas de justice, pas d'assassin puisque chacun l'est ; et nous n'apprendrons rien de notre mère la guerre, hormis que la guerre, c'est nous.


Bernard du Chambon


Maël & Kris, Notre Mère la Guerre. Requiem, éditions Futuropolis, octobre 2012, 64 pp. 16,25 €


(1) Ainsi parle le lieutenant Lucien Souchon, dans son court pamphet éponyme qui date de 1920.

(2) Un biscaïen est un boulet de canon. Voir l'admirable ouvrage de François Dechelette, L'Argot des Poilus, hélas paru en 1918 et réédité en 2004 par les éditions de Paris – Max Chaleil.



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