Catherine Millot est une psychanalyste proche de Lacan. Lorsqu'il conçut  son Séminaire il utilisait parfois sa clinique de ses recherches, lectures voire concepts. Elle est l'auteur d'essais centrés, à l'instar de l'étude freudienne de la Gradiva, sur ce que l'écriture propre à un écrivain dit à partir d'un fantasme de la structure de l'inconscient et révèle de l'indicible du désir.

La singularité de démarche,  qui mêle réflexion et expérience personnelle a fait passer  l'auteure dans la pratique d'un genre particulier qu'on pourrait rapprocher du récit. Ici il commence ainsi : La mort n’a jamais tenu une grande place dans ma vie consciente. Je n’y pense guère et m’en préoccupe encore moins. Mourir au dernier moment, comme disait Céline, avec le courage et la dignité que j’ai vus aux bêtes, avec leur simplicité, voilà ce que je souhaite.

Mais la mort l'a rattrapé sous l'effet du corona virus. Pour autant ce livre n'est pas un prétexte pour parler de la pandémie. Le propos est plus ambitieux. Et ce vertige face à une approche que l'auteure ne soupçonnait pas, fait que les choses changent. Le tout  écrit dans un style limpide et précis.

Face au virus la vie de l'auteure fut donc livrée au vertige. Le statique que la maladie entraîne ne fait jamais obstacle au sentiment du mouvement de l'esprit. Et le texte acquiert une qualité d’une lumière poudreuse mais profonde chargée d'angoisses humaines que l'auteure connut enfant et qui remonte quand son ciel s'obscurcit.

Pour autant Catherine Millot évite tout laïus ou interprétation psychanalytique au moment où la vie pourrait trouver une sorte d’"achèvement". Physique aussi bien que mental. Et là où  s'atteint ce qu'elle nomma dans un autre livre ("Abîmes ordinaires") "un point trou". Celui-ci permet une expérience du retournement, du renversement jusqu’à présenter de la vie telle une extase, une détresse, une plénitude et une solitude.

Jean-Paul Gavard-Perret

Catherine Millot, Un peu profond ruisseau…, L'Infini, Gallimard, avril 2021, 112 p.-, 10 €
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