Stein & Picasso : l'invention du langage

Plus qu'une amitié ? Un amour ? Probablement, mais un amour vrai, serai-je tenté de dire puisque Gertrude Stein était homosexuelle revendiquée, et donc fermait ainsi définitivement la porte au Dom Juan catalan. Débarrasé de son impétueux désir, Picasso pouvait alors baisser la garde, être lui-même entièrement puisque la séduction sexuelle était exclue. Débute alors une relation passionnante, foisonnante, totale qui verra d'ailleurs l'écrivaine américaine publier un essai qui fera date sur Picasso (et le cubisme). Et plus que d'être sa première collectionneuse, son influence dans le monde littéraire aidera fortement Picasso à s'imposer.
Un écrivain devrait écrire avec ses yeux et un peintre peindre avec ses oreilles. Tout est dit. Les deux amis ne cesseront de dialoguer : d'un côté la rigueur poétique de Stein, qui s'est élaborée à travers ses études de la peinture ; de l'autre, l'ouverture de Picasso pour la transgression et l'envie de modifier le cours de l'Histoire de l'art. Quel grand écart entre le portrait qu'il fait de Gertrude Stein (1905), figuratif, et ses tableaux cubistes dès 1908. Sans parler de ses sculptures de 1914...
Partis du registre de la nature morte (1910), les deux amis vont opérer une déconstruction de la syntaxe (pour la poète), des volumes (pour le peintre) et deux ans plus tard ils réifient le réel. Le cubisme émerge avec Braque et Gris comme soutient de Picasso (voire inspirateurs). Et Stein devient la cubiste des lettres (Max Jacob).
Toujours aussi ludique à découvrir avec ses dépliants de belle qualité, ce petit livre offre un souvenir de l'exposition qui se tient actuellement au musée du Luxembourg, à petit prix. Mais grande émotion.

Annabelle Hautecontre

Cécile Debray et Assia Quesnel, Gertrude Stein et Pablo Picasso : l'invention du langage, 44 illustrations, 120 x 170, coll. Carnet d'expo, Découvertes Gallimard, septembre 2023, 64 p.-, 9,90 €

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