Regarde Chérie, le paysage impeccable – impeccablement quadrillé par police et autoroutes – un peu comme dans notre enfance mais en plus parfait encore – en plus pur – oui : le paysage est de plus en plus pur et le monde de plus en plus parfait depuis que la race exsangue règne sur toute la surface du connaissable et que les matières de synthèse ont l’avantage, écrit Demangeot qui nous met à l'épreuve de la langue au moyen de poèmes brefs, ardents et syncopés.
Prenant le parti des perdants, le poète propose un exercice de cruauté face aux glossolalies (mais qui ne sont pas prises pour telles) des pouvoirs. C'est pourquoi ce livre se veut, comme l'indique sous sous-titre,  l'Ébauche d’un livre du mal là où la pornographie sort de son acception habituelle dans un exercice de prostitution littéraire qui, si elle n'a pas la force d'un Pierre Guyotat, garde néanmoins un intérêt puissant.
S'y déclinent diverses postures assassines. depuis les temps premiers jusque et surtout vers le monstrueux contemporain pour mieux le combattre plutôt que de l'exalter. Tous ces poèmes signes des insurrections contre toute forme de contestations, tabassages et répressions. Ils sonnent la révolte contre diverses apathies entre autres mais pas seulement contre la défaite  environnementale et climatique plus qu'annoncée.
Existe là une langue des réprouvés et exclus  face aux langages policés et policiers, là où l'exhibition n'est plus celle d'un corps érotisé mais d'un corps mis à terre et tabassé. D'où aussi toute une galerie et gazette de réprouvés de l'Histoire (qui bégaye) pour en rénover la ballade de pendus ou gazés.

Jean-Paul Gavard-Perret

Cédric Demangeot, Pornographie, L'Atelier Contemporain, avril 2023, 336 p.-, 25€