Ébauche d’un livre du mal (sous-titre de l'ouvrage) évoque la pornographie selon une acception plus large que ce que l'on entend généralement par ce mot.
La prostitution dont il s'agit ici englobe  la représentation de choses obscènes destinées à être communiquées au public et qui étend la valeur morale que cela engendre.
Pour preuve ce passage : Regarde Chérie, le paysage impeccable – impeccablement quadrillé par police et autoroutes – un peu comme dans notre enfance mais en plus parfait encore – en plus pur – oui : le paysage est de plus en plus pur et le monde de plus en plus parfait depuis que la race exsangue règne sur toute la surface du connaissable et que les matières de synthèse ont l’avantage. 
Ainsi et  par delà les Litanies de Caïn qui ouvrent le livre, après le  point de vue de l’assassin le premier homicide de l’histoire biblique, ce livre fait accéder la poésie jusque dans le nouveau monstrueux d'aujourd'hui au sein non d'une complaisance dans le beauté de l'horreur mais en un espace qui englobe le politique entre les émeutes comme l'abêtissement par la télévision et l’apathie généralisée face à la catastrophe environnementale qui nous attend.
Mais cette poésie pour le moins engagée passe avant tout par le langage lui-même, car c'est le mal qui court à travers lui. L'auteur lui donne voix jusque dans sa Prosopopée qui devient ici selon la postface de Martinez la figure maîtresse de Pornographie.

Jean-Paul Gavard-Perret

Cédric Demangeot, Pornographie, L'Atelier Contemporain, mai 2023, 336 p.-, 25€