"Sin City", adaptation à la hache du Comics de Franck Miller

Comic book phare de la fin des années 90, Sin City est le coup de poignard final à l'industrie bédéphilique américaine de Franck Miller, qui, dans les années 80, avait déja marqué ses contemporains de son empreinte avec la relecture du mythe de Batman parDark Knight Returns et Year one. Chef-d'oeuvre crépusculaire, la série Sin City qui perdure encore aujourd'hui est la somme phare de tous les thèmes chers à l'auteur : la violence, la socièté en putréfaction, la ville symbole de la déliquescence humaine, la quête de la rédemption d'une poignée de paumés...

La série Sin City en elle-même se compose de plusieurs volumes indépendants reliés uniquement par leur lieu commun, Sin City, ville de vice et de corruption, où les notions de bien et de mal sont très floues, et où les protagonistes cherchent en vain un exutoire à leur existence. Série amorale, fascinante par ses dialogues fort bien ajustés, Sin City est de plus portée au sommet de l'art graphique par Miller lui-même grâce à un style noir et blanc dénué de nuances, véritable pochoir en contradiction totale avec l'art du comic-book américain traditionnel.

Porter à l'écran une telle oeuvre constituait donc un pari risqué tant sur le plan technique que sur le plan des thèmes abordés. Qui plus est, le réalisateur en charge du projet, Robert Rodriguez, connu du grand public non pas du fait de sa qualité d'esthète mais plutôt comme un cinéaste fade, sans talent, grand adepte du cinéma tape à l'oeil sans vision, ce qui semblait incompatible avec les exigences même de Miller. On voudra bien ne pas nous tenir rigueur de notre appréciation, mais Desperado 1 et 2, The Faculty et Une nuit en enfer  resteront dans les annales du 7e art comme les reliquats edwoodiens d'une industrie en mal d'imagination. A fortiori l'aide de Miller lui-même n'était pas un gage de qualité car le bonhomme si bon en scénariste BD restera comme celui qui participa à ces beaux naufrages que furent Robocop 1 et 2. Malgré tout cela, il fallait espérer...

 Sin City le film reprend trois nouvelles de la série, c'est-à-dire Sin CityJ'ai tué pour elleet Cet enfant de salaud. Porté par un casting haut de gamme avec à sa tête Mickey Rourke et Bruce Willis, le film attire déjà par sa prestigieuse distribution, sinon en terme de qualité du moins en notoriété. Encore faut-il voir le film... Et là, les ennuis commencent. Il serait outrageusement volatile de dire qu'il y a deux heures pour rien. Le film recèle quelques bons points loin des naufrages de série Z de son auteur. Ainsi le résultat technique est assez impressionant puisque Rodriguez parvient sans peine à retranscrire l'univers noir et blanc de façon littérale à l'écran. De plus, les acteurs sont dans l'ensemble efficaces avec une prestation remarquable de Rourke dans le rôle de Marv. Un Mickey Rourke que l'on avait pas vu aussi bon depuis L'Année du dragon de Cimino. En outre, la violence de l'oeuvre n'est ici en aucun cas édulcorée et on retrouve ainsi l'univers décadent de Miller. Malheuresement, tout n'est point parfait, mais comment demander à Rodriguez un véritable travail artistique plutôt qu'une bouillie visuelle ? Et les travers naturels reviennent au galop... Le grand défaut de Sin City dans son adaptation, c'est qu'il n'y en a pas ! On assiste à une transposition littérale de l'oeuvre sans aucun aménagement pour le cinéma. Si bien que les principes de découpage différents entre les deux médias ne sont pas respectés et on assiste à une action rythmée à cent à l'heure dénuée d'exposition... Bref, un clip de deux heures. Rodriguez à oublié en chemin le principe d'une bonne adaptation cinématographique qui demande l'appropriation de l'oeuvre originale à sa propre vision. Peut-être était-ce trop demandé à quelqu'un qui n'en a pas. Pire, les ellipses narratives à la Tarentino, maître de Rodriguez et souvent soutien très imposant, sont fort mal maîtrisées (mais là j'ergote...).

Si vous voulez découvrir Sin City, autant lire la bande-déssinée, car le film n'apporte rien de nouveau à l'oeuvre de Miller. Pour voir une bonne adaptation du maître américain, préférez plutôt Batman Begins...

 François Verstraete

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