"Patrick Dewaere, une vie", le dernier rebelle du cinéma français

Il y a quelques semaines, à l’occasion de la sortie du film de Jean-Paul Rouve, Quand je serai petit, Miou-Miou nous disait à quel point Patrick Dewaere et Coluche lui manquaient. Ils étaient ses repères. Ils avaient créé ensemble Le Café de la Gare et lui avaient éclairé sa route. « Souvent je me demande comment Dewaere et Coluche réagiraient au monde actuel. Mais Patrick est figé dans son mystère, sa beauté et son talent. Coluche est mort aussi… Ils sont cons quand même ! » Oui, ils sont cons. L’un d’avoir devancé l’appel de la mort, l’autre de s’y être précipité à moto. 

C’est peu dire qu’il n’y a plus d’acteur de la trempe de Dewaere. Moins ses films, trop inégaux, que le bonhomme lui-même. Il avait son franc-parler et secouait le cocotier du cinoche avec une force peu commune. Sa diatribe contre le comportement des médias est toujours d’actualité ! Il ne reste plus guère qu’un Gérard Depardieu et, dans une moindre mesure, un Gérard Lanvin pour oser jeter des vérités à la face d’une industrie qui n’essaie plus d’être un art.

Dewaere s’est flingué il y a quarante ans. Il existe une petite dizaine de biographies le concernant. La première fut publiée dès mars 1985 chez un éditeur que j’ai bien connu, PAC. Il s’agit d’une présentation assez complète de sa carrière signée Christian Dureau. Suivirent notamment des ouvrages de Jean-Marc Loubier et Bertrand Tessier. Plus celui paru au Cherche-Midi en 2006, dû à sa mère, Mado Maurin : Patrick Dewaere, mon fils, la vérité.

A lire le dernier opus, de Christophe Carrière, ladite Mado n’aurait pas dit toute la vérité. L’auteur ne l’épargne pas et l’on comprend que cette mère a poussé ses enfants dans la carrière d’acteur comme d’autres mères poussaient leur progéniture dans des métiers moins avouables. 

Plus qu’une biographie classique, ce livre est la vision de l’auteur sur la vie et les traumas de Dewaere. Une biographie subjective, donc, avec même des apartés un peu lourds. Carrière, tout en relatant le parcours de l’acteur dans son ordre chronologique donne son avis et prend position. Il s’agit de tenter d’expliquer pourquoi un 16 juillet Dewaere s’est biffé avec violence. Né de père inconnu, ou presque, viol dans son enfance, mère avec qui il entretenait des rapports tendus, alcool, drogue, déceptions amoureuses, argent, films-échecs… tout est là, appuyé de témoignages de personnalités qui, à leur tour, avancent leur propre version.

Cet ensemble hétéroclite dresse un parcours atypique. Celui d’un homme qui avait tous les culots, y compris celui de dire merde à Gaumont (il rompit le contrat qui le liait à La Carapate de Gérard Oury). Celui d’un acteur qui explosa avec Les Valseuses, confirma sa maestria avec Série Noire mais se fourvoya dans des productions étranges pour ne pas dire effroyables. Patrick Dewaere était un monsieur difficile à comprendre, sans doute parce que lui-même ne se comprenait pas et se perdait dans les méandres de ses différentes personnalités, dans le labyrinthe de ses douleurs.

Carrière travaille avec efficacité. Il ne se perd pas trop en détails inutiles même s’il insiste sur la drogue. Ses erreurs sont mineures : l’influent producteur de Préparez vos mouchoirs est Georges Dancigers (et non Danziger) – il était l’associé du grand Alexandre Mnouchkine - ; Alain Poiré n’a jamais été patron de chez Gaumont (mais dirigeait sa filiale la plus rentable, Gaumont 2000)… Enfin, Un génie, deux associés, une cloche (« pas du haut de gamme » dixit Carrière) est, certes, un mauvais western-spaghetti mais supervisé par Sergio Leone ! 

Philippe Durant

Christophe Carrière, Patrick Dewaere, une vie, Balland, juin 2012, 336 pages, 18,90 €

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4 commentaires

Il faudra nous expliquer dans quelles productions étranges se fourvoya Dewaere. Il y eut certainement quelques choix discutables mais entre 79 et 82, ce sont tout de m^me Corneau, Sautet, Blier, Téchiné, Verneuil, de Broca ou encore Jessua ses metteurs en scène. Il y a pire comme liste, non?

Bonjour Orneto

Vous avez tout à fait raison c'est bien pourquoi j'ai employé le mot "étranges" et non "mauvaises" car Psy, Mille milliards de dollars, Paradis pour tous ne sont, hélas, pas les meilleurs films de leurs auteurs. De plus, Dewaere reconnut lui-même que, pour le coup, la plupart de ses films tournés en Italie étaient "mauvais". 
Philippe Durant

Personnage intéressant, j'espère que le bouquin l'est tout autant.

Bonjour Philippe Durant,
bien d'accord avec vous en ce qui concerne la carrière italienne de Dewaere. En revanche, même si je reconnais que sont pas des chefs-d’œuvre, j'ai une affection particulière pour Mille milliards de dollars et Paradis pour tous.
Merci pour votre réponse,

Orneto