Robinson Crusoé illustré dans la Pléaide

Ce tirage spécial est illustré. Il est non numéroté : un hors-série de la Pléiade, en quelque sorte. Rareté apparue à la veille des Fêtes. Une belle idée de cadeau…
Présent particulier pour tout amoureux des Lettres. Hé oui, de son vivant, Defoe n’a jamais reconnu être l’auteur de Robinson Crusoé… pas plus qu’aucune des quelque dix œuvres romanesques qui lui sont attribuées. Or, il est considéré comme l’un des auteurs les plus prolifiques depuis la fin du XVIIIe siècle. Il aura fallu une enquête approfondie au cours des siècles pour faire la lumière sur ce phénomène. D’ailleurs l’appareil critique ajouté à ce volume est entièrement nouveau. Il a été établi en vue de la présente édition. Une place importante est faite à l’annotation. Quant à la traduction, elle revient à Pétrus Borel. Publiée à Paris, en 1836.
En fin de volume, Jean-Luc Steinmetz éclaircit les circonstances de cette publication dans un essai intitulé Pétrus Borel, un loyal intermédiaire.

C’est le 25 avril 1719 que tout commence.
Daniel Defoe, âgé de cinquante-neuf ans, publie de manière anonyme, à Londres, un premier ouvrage. La Vie et les Aventures étranges et surprenantes de Robinson Crusoé. Defoe est alors connu pour ses publications polémiques dans la presse. Et quelques longs poèmes satiriques. Et il ne veut en rien être considéré comme un romancier. Pourtant le succès est immédiat : en quatre semaines le tirage est épuisé. Mais Defoe préfère demeurer dans l’ombre… Et y rester même le 20 août de la même année quand paraît La Suite des aventures de Robinson Crusoé.

Il faut dire qu’à l’époque le genre du récit de voyage fait fureur. Ce type d’ouvrage richement illustré a conquis les lecteurs. Et la subtilité des récits tend à faire croire que tout est vrai. Or certains auteurs n’hésitent pas à transfigurer les récits. Sans dire que c’est une fiction. La mode des fake en littérature est née. Certains récits de voyages sont des supercheries littéraires. Notamment le scandale de George Psalmanazar qui n’a jamais mis les pieds à Formose – quoique en dise son livre.
Et ici aussi, l’auteur de Robinson Crusoé semble inviter le lecteur à considérer avec le plus grand sérieux son histoire. Suggérant qu’elle a bien eu lieu. En ayant néanmoins la subtilité de ne pas se compromettre en l'affirmant de manière trop catégorique. On peut lire entre les lignes et prendre l’histoire comme il nous plaira…
Defoe n’est pas un mystificateur.

Ce livre est un mythe littéraire.
L’année de son bicentenaire, Virginia Woolf notait que les Anglais avaient noué avec le roman de Defoe les mêmes liens que ceux que les Grecs anciens entretenaient avec Homère. Le livre ressemble à l’une de ces productions anonymes de toute une race plutôt qu’à l’effort d’un seul homme. Sans doute pour cela que les romanciers d’aujourd’hui s’en sont emparés pour le réécrire. De Coetzee à Tournier ou Chamoiseau, le mythe de Vendredi habite les consciences.
Preuve que le roman premier est au cœur de l’Homme. Son étrange reflet au son de la vérité qui n’apparaît qu’à l’épreuve du feu.

Annabelle Hautecontre

Daniel Defoe, Robinson Crusoé, traduction de l’anglais par Pétrus Borel, édition de Baudouin Millet, relié pleine peau sous coffret illustré d’une peinture de N.C. Wyeth, 209 images et une carte des voyages de Robinson, Gallimard, novembre 2018, coll. Bibliothèque de la Pléiade, 1040 p. – 47 € jusqu’au 30 juin 2019 puis 52 €

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