"L’Agenda des plaisirs" d'Abha Dawesar : Niaiseries and Co.

Il ne suffit pas d’un bon titre, d’une belle couverture, d’un sujet accrocheur et d’une plume exotique pour faire un bon livre. Cela serait trop facile... L’idée du couple à trois, mais prise dans l’autre sens (la femme, le mari et son amant, lequel est aussi celui de la femme) est un postulat de départ intéressant. Etudiée par une jeune indienne, diplômée de philosophie à Harvard, on palpitait d’impatience. Las... La candeur tourne au ridicule, c’est niais comme la pudibonderie américaine est capable de l’être. On n’y croit pas une seconde tellement les dialogues frisent le ridicule, quand ils ne sont pas tout bonnement inutiles, comme ces séries de Bonjour André / Bonjour Sybil / Bonjour Nathan... 
André, un jeune loup de la finance tout frais débarqué à New York, est séduit dès le premier jour de travail par le grand patron. Malgré l’épaisse moquette et l’ambiance feutrée d’une banque d’affaires japonaise, Nathan se permet de passer sa main dans les cheveux d’André au sortir d’une réunion, l’invitant à aller boire un verre après le travail... Une délicate attention qui n’a rien d’anodin puisque les deux hommes se retrouvent dans un bar topless où les filles ont tendance à avoir les mains balladeuses. André se laisse tripoter, s’oublie dans son pantalon, et termine dans le lit de Nathan, surpris de n’avoir pas eu mal, miraculeux ce gel XY (sic).



Mais il devient aussi l’amant de l’épouse à l’occasion d’un voyage de Nathan au Japon. Initié aux plaisirs "interdits", voilà qu’André demande bien poliment à Sybil s’il peut la sodomiser (alors que dans le feu de l’action on s’attendrait à une démarche plus implicite voire une requête en termes plus crus) : "- Je peux te faire l’amour anal ? - Non, moi d’abord." Comme il aurait demandé, tu prends du thé ou du café le matin... mais c’est elle, comme par hasard, qui lui dit qu’elle souhaite le faire en premier (à part ça elle n’aurait aucun soupçon sur la bisexualité de son mari et accepte, dans ce mariage libre, qu’il découche un jour sur deux...) et la voilà qui lui plonge sa main entière dans le rectum, rien que ça ! De retour dans son studio, André ne peut s’empêcher de rechercher sur Lycos le mot fisting, comme le puceau de vingt-quatre ans qu’il est dans le domaine du hard sex... 



Entre deux scènes d’amour mal écrites, les souvenirs d’enfance ressurgissent : André dormant dans le lit de son père, André jouant avec les moustaches de son père. Puis André a le bourdon ; il pense que se suicider dans la fleur de l’âge c’est fun, car il faut mieux mourir quand il "bais[e] des gens séduisants.". (sic)


Puis, lors d’une soirée où il se retrouve seul, André drague sa secrétaire, passe par une phase d’impuissance quand il se retrouve face au percing de son téton et, stupeur, à celui de ses grandes lèvres (le parfait niais !) ; mais il finit par réussir à la prendre quand... paf ! voilà le préservatif qui cède... et la demoiselle qui tombe enceinte. 
N’en jetez plus, la coupe est pleine...


Tout cela ne tient pas : les clichés s’entassent comme du courrier oublié dans une boîte aux lettres ; et c’est bien ce que l’on va faire : oublier ce livre au plus vite... 
Quelle mouche a donc piqué Abha Dawesar ? A-t-elle voulu rechercher ce qui la chamboule au fond d’elle-même ? Mais quand on veut aborder l’amour passion, le désir charnel sous toutes ses coutures et les dérives que cela peut engendrer dans le comportement humain, il faut, comme dirait Céline, mettre sa peau sur la table. Et chevaucher le dragon n’est possible qu’avec de la franchise, du réalisme, du concret, donc du sang et des humeurs, des odeurs et des couleurs, pas en se vautrant dans la niaiserie...


François Xavier


Abha Dawesar, L’Agenda des plaisirs, traduit de l’anglais (Inde) par Laurence Videloup, Éditions Héloïse d’Ormesson, avril 2011, 318 p. - 20,00 €


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