1918 l'étrange victoire, retour sur la fin de la Première Guerre Mondiale

Un historien face à la Grande Guerre

 

Depuis 2012, Jean-Yves Le Naour s’est lancé dans une histoire de la première guerre mondiale dont chaque volume est consacré à une année. Spécialiste incontesté de la Grande guerre, il allie à son érudition un sens de la formule caustique, qui fait à chaque fois mouche. Il n’a en effet pas son pareil pour décrire des militaires prussiens jusqu’au boutistes ou des députés français en proie à la panique… 1918 est à coup sûr le dernier volume de cette série (à moins qu’il ne consacre une étude à l’année du traité de Versailles ?) et il lui a donné comme titre « L’étrange victoire » … On va voir qu’il recèle un fond de vérité.

 

L’année des retournements

 

En janvier 1918, l’Allemagne de Guillaume II est en position de force, largement grâce à l’effondrement russe dû aux deux révolutions de 1917, conséquences directes de la guerre. La paix léonine de Brest-Litovsk permet à l’Allemagne de libérer des troupes qui vont être redirigées vers le front de l’ouest afin d’arracher la victoire avant la montée en puissance des américains. L’objectif du général Ludendorff est de réaliser la percée décisive et de séparer les armées françaises et britanniques. Et ce n’est pas passé loin, les troupes de Pétain et Haig ont bien failli perdre le contact. C’est tout le génie de Clemenceau, après bien des atermoiements et des circonvolutions, d’avoir réussi à imposer le choix d’un commandant unique aux alliés afin de sauver dans un premier les britanniques : ce fut Foch, général peu efficace jusque-là mais dont l’énergie et la combativité contrastait avec le pessimisme de Pétain et la pusillanimité de Haig. Ce choix d’avèrera payant. La combativité des poilus et la montée en puissance américaine ont fait le reste.

 

Des zones d’ombres à explorer

 

Ce livre de Jean-Yves Le Naour permet d’attirer l’attention du lecteur sur des points peu connus : l’importance des succès remportés par les alliés sous commandement français en Orient (la manœuvre de Franchet d’Espèrey a mis hors de combat la Bulgarie et contraint Autriche et Turquie à l’armistice), les doutes des français lors des offensives allemandes du printemps, la montée croissante de la rivalité franco-anglaise, la diplomatie ambiguë de Wilson, l’effondrement politique et militaire allemand de l’automne 1918. Bref, cet ouvrage est une mine d’informations pour le néophyte et on ne peut que le recommander.

 

 

 

Sylvain Bonnet

 

Jean-Yves Le Naour, 1918 L’étrange victoire, octobre 2016, Perrin, 416 pages, 23 €

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1 commentaire

L'idée de traiter les guerres mondiales année par année n'est pas nouvelle, mais reste intelligente ( à condition de ne pas traiter la guerre de cent ans, bien entendu).


Ce bouquin a l'air pas mal. Je mettrais peut-être un bémol (par pure méchanceté ) sur la vision des combats d'Orient qui me semble un peu trop enthousiaste chez  notre chroniqueur favori . Ce second front, qui reste quasi-totalement inconnu du grand public...(Salonique, Gallipoli, les Dardanelles, plus personne ne sait même où ça se trouve...) a quand même été un grand foutoir militaro-diplomatique et n'a pas vraiment atteint ses objectifs. 

  • Militairement d'abord, puisqu'on a passé  notre temps à reculer, en particulier face aux Turcs ( la honte!!)  
  • Stratégiquement, puisque pour une Bulgarie neutralisée, on a eu une Roumanie envahie,
  • Politiquement, ensuite ( les occidentaux ont carrément renversé le roi de Grèce  qui ne leur plaisait pas, procédé très démocratique qui a eu beaucoup de succès par la suite...). 
  • Et  enfin humainement, puisque tout ça s'est passé entre gens malades ( 95 % des soldats présents en Grèce et en Serbie entre 1915 et 1918), avec  près 360 000 victimes de maladies, dont une part importante dûe au Chemin des Dames, mais pas celui de la Marne, celui plus prosaïque des maladies vénériennes, ce qui  n'est quand même pas très glorieux.