Pierre Voelin paradoxal poète de l'Histoire

Présent au monde,  les yeux ouverts sur le proche et le quotidien – merles et moineaux, herbes et poussières des routes – mais toujours avec un souci du silence et de prière païenne Pierre Voélin est la recherche d'une vérité de survie.
Il s'appuie sur l'exemple d'Antigone, de Mandelstam ou de Charlotte Delbo comme de Rimbaud et Charles-Albert Cingria. À leur suite il  crée ses propres litanies, invente un espace solidaire où s'active une main qui veut recoudre la vie en avançant.

L'écriture volontairement précieuse et au rythme subtil de Pierre Voélin permet de faire comprendre comment l'existence tue au nom du passé - entre autre de la Shoah. Il s'agit alors d'avancer avec
à la bouche ce goût de solitude
et sur l’épaule un pâle chandail de cendres
.

Demeure  dans l'œuvre une extraordinaire beauté marmoréenne :
Visage sous le masque
tombe de calcaire où vient battre le lumière criblée
L'amour impur te cherche dans les ruines

preuve que la poésie ne se tient pas hors du "claptrap" (James McNeil Whisler) et refuse l'art pour l'art.

Le goût de la ruine n'est là que pour souligner les émotions et devient le stimulant de la vie. Se conjuguent les appels de la mémoire, de la révolte, du deuil, d'une certaine espérance mais de bien des troubles sentimentaux.
L'être est soumis à la fraîcheur des choses de la terre et à ce qui est offert à la contemplation afin de signifier la beauté et l’âpreté du dur désir de durer. C'est parfois simple mais parfois difficile au nom – entre autres – de l'héritage de l'auteur (et ce comme pour la plupart d'entre nous).

Existe une stimulation des copeaux clairs du silence pour dire l'amour dans le souffle de forêts et Le long d'un arbre aux genoux moisis où circulent les grimpereaux. Tout est de l'ordre de la précision pour questionner les ombres et le monde en ses frondaisons comme des tas de pierres bises.
Méditations et rêves communiquent dans les bois calmés comme là où se ferment les ruchers.
Les descriptions sont là pour résoudre l'énigme du cœur avec des mots de la terre familière mais que l'auteur choisit avec une extrême précision pour survivre à la pénombre des deuils. Restent des vols de cendres au milieu de la neige et son abondance de cristaux quand le sexe féminin s'offre à la nuit pour une extase et afin que pour un temps la marche s'interrompe.

Après les deux livres publiés en 2017 chez le même éditeur, Voelin transforme un paysage minimaliste et champêtre en un retour au pays natal. Il donne là toute la puissance d'une écriture rare et trop effacée du paysage poétique. Le Temps – sans retour – dispose sa lumière mais l’homme n’est que vœu de ténèbres. L'auteur en profite pour entrer profondément dans le paysage en un Hommage aux herbes des grands chemins 
aux orties des ravins – aux fétuques 
le long des sentiers secrets
à la frêle épilobe
fleur de l’incendie et de l’oubli
.

 

Jean-Paul Gavard-Perret

Pierre Voélin, Arches du vent et Les bois calmés (dessins d'Alexandre Hollan), Fata Morgana Editions, 2020, 64 p.- et 80 p.-,15 € & 14 €

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