"Jean Gabin inconnu" biographie du dabe par Jean-Jacques Jelot-Blanc

Le dabe révélé


Jean-Jacques Jelot-Blanc (JJJB pour les intimes) est un de mes vieux camarades. Plus de trente ans qu’on se fréquente, qu’on s’échange des infos et qu’on critique le milieu de l’édition qui n’est plus ce qu’il était. Car nous avons pas mal d’éditeurs en commun et, dans le lot, un trop grand nombre d’incapables voire d’escrocs. JJJB et moi avons commis quelques livres de concert avant de reprendre nos routes sans jamais nous quitter de l’œil. Lui est un spécialiste du cinéma méridional (Pagnol, Fernandel, Raimu…) mais connaît également sur le bout des ongles De Funès, Bourvil et pas mal d’autres. Cette fois, il a décidé de s’attaquer à Gabin. Une pointure que nous avons en commun puisque pour rappel (et pour me faire de l’autopromotion), j’ai signé La Bande à Gabin chez Sonatine et Le Petit Gabin illustré au Nouveau Monde.


Jelot-Blanc est un méticuleux. Cette biographie fourmille de dates. Toute la vie – et, en particulier, toute la carrière – de Gabin est retracée jour après jour presque heure après heure. Raison pour laquelle l’auteur a choisi de regrouper ses chapitres sous forme d’années. Cela a, au moins, le mérite d’être clair. Même si, en de rares occasions, Jelot-Blanc se prend les pieds dans le tapis. Faut dire qu’il n’est plus tout frais et que sa propension à plonger dans le pastaga annihile parfois son acuité. Ainsi apprend-on page 194 que « le 1er octobre 1951, Henri Decoin donne le premier clap du film La Vérité sur Bébé Donge » pour découvrir, page suivante, que « le premier tour de manivelle du film La Vérité sur Bébé Donge sera donné au matin du 1er décembre [1951] » Confusion qui ne change rien au film ni même au livre.


Pas à pas, le lecteur suit l’évolution et l’ascension de Gabin. De ses triomphes d’avant-guerre à son passage à vide après à son retour d’un périple militaire courageux. De sa reconquête du devant de la scène, symbolisée par Touchez pas au grisbi, jusqu’à son dernier film le médiocre, hélas, L’Année sainte. Tout au long de ce parcours, Gabin aura fréquenté le gratin du cinéma sans se rendre vraiment compte qu’il en fut le numéro 1 pendant deux décennies. Ventura, Belmondo, Delon et pléthore d’autres ne juraient que par lui et au vu de sa filmographie, riches en titres « populaires », on comprend pourquoi.


Jelot-Blanc ne se contente pas d’égrener film par film, glissant çà et là des anecdotes, il rappelle aussi que Gabin fut un redoutable séducteur au palmarès si ce n’est exemplaire, au moins étonnant (y compris Ginger Rogers avec qui il «aurait » flirté). Il souligne aussi la volonté de Jean de devenir paysan (ce qui lui coûta très cher) sans jamais avoir été admis au sein de cette corporation un peu basse de la casquette.


Ce Jean Gabin inconnu apparait comme une biographie complète, scrupuleuse, pour tout savoir donc mieux comprendre cet acteur devenu mythique si décrié de son vivant (par les jeunes Turcs de la Nouvelle Vague) et si important dans le cinéma français.


Comme, de plus, sur ses 450 pages, JJJB me fait l’honneur de me citer deux fois (et non treize comme indûment référencé dans l’index final), je ne peux que dire que du bien de son livre. Je me garderai bien de signaler que Le drapeau noir flotte sur la marmite ne fut pas « l’ultime réalisation » (p 402) de Michel Audiard (ce fut Bons baisers à lundi), qu’Harry Baur ne fut pas le créateur du rôle de Jean Valjean (p 274) au cinéma (outre des versions américaines du temps du muet, la première adaptation française date de 1911 avec Henry Krauss en Valjean). Je le ferai d’autant moins que ces mini erreurs n’ont aucune importance. En revanche – et là j’y tiens ! – dans Le Cave se rebiffe, Martine Carol n’était pas la maîtresse de Bernard Blier mais de Frank Villard. On ne galvaude pas ce genre d’information ! Mais Jelot-Blanc maitrise son sujet et reste rigoureux sur les faits saillants.


Jean Gabin inconnu va vite s’imposer comme un livre de référence pour tous les amateurs de ce comédien peu banal et peu commode. Les anciens, dont je suis, le redécouvrent avec une pointe de nostalgie, les jeunes, dont vous êtes, vont apprendre à mieux le connaître. Tel est le premier but d’une biographie. JJJB connait son boulot.


Philippe Durant


Jean-Jacques Jelot-Blanc, Jean Gabin inconnu, Flammarion, février 2014, 472 pages, 22€

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5 commentaires

Désolé, mais ce livre est plein d'erreurs.  Même au niveau du récit des films, on se demande si l'auteur les as vu !

vous pourriez nous donner des exemples ? 

En fait, je viens de lire ce livre pendant mes vacances, personnellement je pense que la meilleure biographie de Gabin est le "Gabin" d'André Brunelin.  Je me suis promis de relire les deux livres simultanément dès que je retrouve un  peu de temps.  A la lecture, quand on découvre des erreurs on perd confiance et tout devient suspect.

Néanmoins, histoire de justifier ce que je dit je peux déjà vous donner les exemples suivant :

Page 118 : lors du tournage de "Remorques" (1939) il parle avec Michèle Morgan de la visite de son ami André lors du tournage de au Havre de "La Marie du port" (1950), je pense qu'il y a confusion avec le "quai des Brumes"

Page 155 : il attribue le roman "le blé en herbe" à Marcel Aymé !!! ???

Page 219 : il attribue "la Marie du Port" à Jaques Viot alors que ces Georges Simenon

Page 276 ; a propos des Grandes Familles il attribue (entre autre à Simon Lachaume - Blier) la déchéance du fils François Schoudler.  Lachaume n'a rien à voir la dedans, il est juste le fondé de pouvoir du  père de François

Ces quelques exemples, je les ai retrouvé en un quart d'heure.  Je serai plus  complet plus tard ... 
Mon commentaire avait aussi pour but de voir si d'autres lecteurs avaient les mêmes conclusion que moi.
A plus tard

et bien, que dire sinon merci de ces remarques. En effet, ce livre d'un admirateur semble pêcher par son imprécision...

Oui, il paraît que "l'auteur" avait en quelque sorte le feu vert d'André Brunelin... dont il a dû abondamment pillé les sources en y ajoutant erreurs et approximations déjà soulignées ici même et sur d'autres sites, sans doute pour faire plus vrai...Le comble est que Philippe Durant, dans sa critique, se dit son "ami" et met sur le compte de son grand âge (Jelot-Blanc est né en 48!! donc pas encore centenaire...) et de son goût pour le pastis les erreurs qui semblent truffer son ouvrage...