07.07.07 : le préquel de Rocco Schiavone

En 2015 apparu Rocco Schiavone, sous-préfet romain, l’équivalent de notre commandant de groupe dans une brigade criminelle – dont voici le sixième opus. Un anti-héros qui donne la chair de poule aux féministes et me ravit tant il appelle à la caricature les courtisans et les fats qui ne voient jamais que l’image en surface dans un rôle sur-mesure pour un homme de cœur – Caterina, l’une de ses assistantes à Aoste, le perçoit, passés les premiers mois à le détester…
Car il apparaît fort en traits, cet homme tendre, au fond, qui me rappelle Pepe Carvalho du côté romain, cette fois. Tout aussi fou, tendre, brusque, juste, et légèrement enclin à s’asseoir sur la hiérarchie et certains principes de base qui, quand on réfléchit bien, faussent la machine de bout en bout. Voilà un homme entier, fidèle à ses idées, à ses principes, virile et bougon qui aime sa liberté et son indépendance : Schiavone ne met jamais les pieds au supermarché, bouffe les Clarcks (16 paires en 10 mois) comme d’autre brûle les livres, demande systématiquement qui vient les lui briser quand il daigne décrocher son téléphone et circule en voiture de police sans jamais mettre le deux-tons, quitte à friser les accidents ; en privé il ne fréquente que ses amis d’enfance même s’ils margent dans le grand banditisme ou vont parler à une fille assise à une table dans le seul but de voir ses cuisses…
Car tout cela l’ennui, finalement, sa vie est ailleurs. Sa vie a pour centre de gravité sa femme, or celle-ci a quelques principes, et lorsqu’elle découvre que son époux en croque un peu beaucoup et met le nez dans les comptes du ménage, elle claque la porte. Le monde de Rocco s’écroule.

Il en faut du talent pour écrire un tel roman qui pratique les codes de la BD, offrant à chaque page l’impulsion contagieuse pour passer à la suivante sans jamais avoir en tête de fermer le livre sans l’avoir terminé. Une histoire bien pensée, ardue mais crédible – deux adolescents pris dans les rets d’un trafic ; des métaphores poussées à l’extrême qui stimulent les zygomatiques tout en demeurant crédibles ; des pauses végétales et géographiques qui, en deux mots, plongent le lecteur dans le décor au détail près ; un zest d’érudition – quelle différence, en grec ancien, entre eskatos et skatos ? – dans une réflexion entre l’eschatologie et la scatologie aux desseins semblables : la fin ultime.
En effet, plus dure sera la chute à l'image de la fin d’Au service secret de sa Majesté quand James répond à l’agent qu'elle se repose, on part de suite ; sa femme tout juste épousée dans ses bras… Clin d’œil au célèbre agent que le titre confirme dans son détournement numérique.

François Xavier

Antonio Manzini, 07.07.07, traduit de l’italien par Samuel Sfez, Folio policier, juin 2022, 384 p.-, 7,60 €
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