Giono : à propos du titre de sa préface aux œuvres complètes de Machiavel dans la Pléiade

Un ami tout à l’heure de passage à ma cabane me signalait, ex abrupto dans la conversation, que dans son Giono, furioso, la toute dernière spécialiste en date de Giono ne décèle manifestement pas – dans le titre de la préface de ce dernier aux œuvres complètes de Machiavel dans la Pléiade – le plagiat que l'écrivain manosquin a commis aux dépens de Nicolas Edme Restif, dit Restif de La Bretonne.
De fait, Monsieur Nicolas ou le cœur humain dévoilé est bien le titre d'un ouvrage autobiographique de cet auteur, paru en 1796. L’admirant sans aucun doute beaucoup, à ce point, Giono le lui pique sans façon, ni vu ni connu, au profit de sa préface à l'édition dirigée par son ami Barincou ; avec cependant une variante opérée grâce à un discret petit tour de passe-passe en le cas, il est vrai, quand même indispensable. Et c'est ainsi que Monsieur Nicolas ou le cœur humain dévoilé y devient Monsieur Machiavel ou le cœur humain dévoilé au fronton de la préface.
Cela, tandis que, tête baissée, Emmanuelle Lambert lui en attribue en effet visiblement l'entière paternité en écrivant d'enthousiasme, page 176 de l’édition de poche de son ouvrage : Monsieur Machiavel ou le cœur humain dévoilé, (titre admirable) est un festival d’intelligence, de style et de ruse, où Giono fait mouche à chaque paragraphe, revêtu d’un manteau de fausse bonhomie, à la fois rond d’oralité et tranchant comme la logique la plus pure. Souvent, il appelle Machiavel Nicolas.
De cette petite histoire, figurez-vous que j’en ai vu mon visiteur fort irrité. Quant à moi, je dois avouer que la mise à jour de ce genre de pieux larcin – je ne parle pas, évidemment, des vrais grands cambriolages –  m’amuse, comme celle-ci, beaucoup plus qu'autre chose !

André Lombard

PS : Magnan n'avait jamais démordu de sa mauvaise foi quand on lui cita quelquefois une scène de ses Courriers de la mort directement pompée chez Alexandre Dumas : Je vous assure, pure coïncidence !
Quant à Giono et Pagnol, ils allèrent, eux, jusqu'à régler ce genre d'affaires (mais alors doublées de gros sous à la clé) devant les tribunaux.

Emmanuelle Lambert, Giono, furioso, Folio, 2019, 200 p.-, 8,30 €

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