Les agents : travailler plus pour...

L’univers dystopique offre de merveilleuses combinaisons : Grégoire Courtois nous plonge dans l’absurde, cocktail entre Les marcheurs et IGH, ces immeubles de grand hauteur que Ballard a su si bien dépeindre ; avec, ici, une pointe libérale issue de cette économie merdique qui veut nous faire croire que plus on produit, plus on travaille plus on est heureux (sic). Alors voilà à quoi cela mène quand on pousse la procédure jusqu’au bout : constatant que cela ne servait plus à rien d’avoir des lieux où l’on ne passait presque plus de temps (maison), le Système décide que l’employé serait bien mieux de rester dans son box, au bureau, pouvant ainsi travailler de cinq heures du matin jusqu’à une heure ; avec quelques temps de pause pour se restaurer et dormir un peu. Tout le reste étant superflu, les maisons devinrent des immeubles, et l’IA prit le contrôle des corps et des esprits. Laissant les guildes s’organiser comme autant de tribus parmi les bureaux afin que les esprits échauffés par les écrans puissent s’exprimer durant les temps de pause. La violence inhérente à l’Humain aura très vite repris le dessus et l’affrontement tourna à l’extrême violence…
Cela en serait amusant si l’envoi de toutes ces histoires au fil des ans ne se soldaient pas toujours pas l’immuable sempiternelle et similaire fin : le chaos toujours et en tout lieu, quel que soit le sujet, la direction prise par une petit groupe se solde toujours par un appétit de conquête dans la violence. Il convient donc d’arrêter de se faire des illusions, nous sommes faits pour nous entretuer, mentir, détruire… La seule question qui se pose désormais serait comment… Sinon comment éteindre ces pulsions dévastatrices, comment endormir l’animal cruel qui vit en nous.
Par le travail ? C’est l’option ici choisie mais qui passe, encore et toujours, par le prisme de la violence, qu’elle soit pratique (les guildes se battent pour posséder plus de box) ou anthropologique (certains agents s’automutilent comme une forme d’art pour essayer de trouver un sens à leur quotidien). Car à quoi bon conserver l'Humain pour s'abrutir derrière un écran et faire ce que font très bien les robots ? Nulle doute qu'un jour prochain l'IA ira vers une purge totale, un génocide complet de l'Humain, justement trop humain et nuisible pour la Terre qu'il conviendra de protéger avant sa destruction.

François Xavier

Grégoire Courtois, Les agents, Folio, septembre 2022, 316 p.-, 8,90€
initialement paru chez Le Quartanier, 2019

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