Marcher à Kerguelen ou le déconfinement absolu

Oui, je sais, c’est un peu cruel, mais d’un autre côté, au lieu de se morfondre ou de risquer une prune pour délit d’éloignement supérieur à un kilomètre du domicile fiscal, voici un beau-livre à lire et relire (une première version a paru en 2018 dans la collection Blanche), à s’imprégner les iris et fondre le cerveau pour glisser, miel porteur de notre Moi libéré des contraintes matérielles vers ces contrées inexplorées qui sont d’une beauté à couper le souffle ; et comme l’on est résistant jusqu’au bout, on ira chercher cette merveille chez le libraire du coin, et surtout pas sur amazon.fr !

Haut fonctionnaire, tel Claudel, voici donc François Garde (Goncourt du premier roman 2012) qui laisse partir ses jambes où le désir les porte, avec comme impératif d’aller le plus loin possible du continent européen… Mais d’abord, une question : où donc se trouvent ces Kerguelen dont on ne saurait rien sans la chanson de Laurent Voulzy ? Dans le Morbihan ? Perdu. En bas de l’océan austral. Cela ne vous dit rien non plus ? Regardez donc une carte…
Au plus bas de l’océan Indien, aux confins des quarantièmes rugissants, une île de basalte et de granit entourée d’îlots ; pas plus grande que la Corse, entaillée de tous côtés de golfes profonds, de baies, de fjords. Ses caps et ses pointes se perdent sur des écueils. En son milieu une calotte glaciaire sous un ciel venteux et nuageux la plupart du temps, et un climat maussade.
On comprend donc qu’elle soit déserte, obstinément. Un havre de paix, un sanctuaire pour des millions d’oiseaux et des centaines de milliers d’otaries et d’éléphants de mer. Oublié, cet archipel devint français au hasard d’un voyage entrepris par Yves Joseph de Kerguelen en 1772.

Bon voyage au sud du monde, sur une terre inhabitée : le récit presque au jour le jour de François Garde se lit comme un roman, accompagné par des clichés qui hypnotisent et offrent un certain détachement, on reste longtemps les yeux perdus dans ces clichés de nature sauvage et on oublie le fauteuil sur lequel on est assis...
Quoi de mieux à faire ?

 

Rodolphe

 

François Garde, Marcher à Kerguelen, 100 photographies de Bertrand Lesort & Michaël Charavin, 190 x 240, Gallimard, octobre 2020, 288 p.-, 29,90 €
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