Franck Maubert, Les uns contre les autres : La magie de la mélancolie

Entre boîtes de nuit et restaurants, les personnages de Franck Maubert évoluaient dans une interminable nuit blanche en cette époque bénie pour qui gravitait entre le monde de la nuit et de la télévision. L’audimat n’avait pas encore force de loi, les créateurs doués pouvaient monter leurs maisons de couture, les dilettantes vivre de l’air du temps sans souci de rentabilité.

Ca ne durerait pas mais personne ne le savait. Rodolphe, le patron des Lumières, la boîte de nuit en vogue vivait un rêve éveillé avec au bras les plus beaux mannequins du monde, dans le nez, la coke la plus pure. Moby, son ami, alter égo de l’auteur, était chargé de trouver des idées et des invités pour l’émission chic et provoc « No limits » que Ferdyck cherchait à monter pour la toute nouvelle chaîne de télévision, la Cinq. Christophe Mistral, lui, couturier surdoué éblouissait Paris avec ses robes placées sous les signes de la Provence et de la corrida.


On y croisait aussi Roda, un parolier qui produisait une toute jeune fille chantant un taxi nommé Joe ou Augustine la femme de Mistral. Tout ce petit monde vivait à cent à l’heure entre les  Lumières,  la Closerie des Lilas ou l’Avenue Montaigne d’une envolée de décapotable aux sièges de cuir. Même très éméché, on circulait et se garait partout à Paris dans les années 80. Les couleurs du show room de Mistral éblouissaient : fuchsia, mandarine, vert absinthe, les consoles avaient des pieds en branches de corail, Garouste et Bonetti  avaient signé l’ensemble.


La créativité se vivait, se respirait à pleins poumons, l’argent coulait à flots et  qu’importe si les matins étaient souvent blêmes après les nuits passées aux Bains Douches où se croisaient stars et inconnus, où Prince improvisait des concerts à cinq heures du matin.


Franck Maubert qui a bien connu ce monde de la nuit met en scène des personnages qui malgré leurs pseudonymes sont aisément reconnaissables : Hubert Boukobza, Thierry Ardisson, Christian Lacroix pour une ballade sur vitaminée dans un Paris défait et défunt.


La magie de la mélancolie opère : oui, il y avait une légèreté, une naïveté, une créativité qui ne sont plus, passés dans le rouleau compresseur de l’efficacité, de la télé-réalité et des réseaux sociaux qui ne font rêver personne.


Brigit Bontour

 

Franck Maubert, Les uns contre les autres, Fayard, août 2015, 224 pages, 17 €

 

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