Lord Bayron en Orient

C’est une première que nous offre Gallimard en réunissant, en format de poche qui plus est, ces quatre œuvres d’inspiration orientale, le tout servi par une nouvelle traduction ; celles existantes étant fort anciennes… Voici donc en un seul volume trois poèmes narratifs (Le Corsaire, Le Giaour, Mazeppa) et une ode (Oraison vénitienne) que je n’ai pas pu résister d’emporter dans la cité des doges, histoire de la lire in situ dans la continuité évocatrice des églises de Jean-Paul Kauffmann. Un bien fou que cette poésie quand il faut se nettoyer l’esprit après les rencontres hasardeuses de l’art contemporain réunies sous la chapelle de la Biennale, histoire d’arriver sereinement jusqu’à l’Accademia ou la Scuola San Rocco, pour voir de la vraie peinture.

Connu pour avoir traduit la quasi-totalité de l’œuvre monumentale de Henry James, Jean Pavans nous offre ici une admirable traduction nouvelle et versifiée avec talent, il parvient à restituer la dynamique narrative que sont ces extraordinaires récits d’action déclinés dans une trame poétique dont seul Lord Bayron avait le secret. Car ce poète hors norme était plus qu’habité, il n’était pas l’un de ces porteurs de feu, il était le feu !
Il avait l’esprit salamandrin, comme l’écrivit Baudelaire, l’âme de celui qui vit dans le feu et non propage des flamboyances mais bien qui entretient ce qui brûle en lui, dévore son être et s’en repait…
Bayron fera scandale, mais surtout va inspirer, aspirer vers l’Orient, les grands noms du XIXe siècle, de Berlioz à Hugo, de Vigny à Delacroix, de Pouchkine (dont Poltava s’inscrit en réponse à Mazeppa) au point que Tchaïkovski en fera son opéra en 1884 ; Verdi préfèrant Le Corsaire (1831)…

Quatre pièces maîtresses pour plonger, des combats sanglants contre les Turcs aux harems sulfureux, vers la légende de ce page découvert dans les bras d’une comtesse polonaise qui termina sa nuit attaché, nu, sur le dos d’un cheval lancé au galop vers les steppes ukrainiennes, et qui ne dût son salut qu’à une vierge compréhensible qui parvint à le récupérer… Avec Venise hors champ, toujours, unique, seule, magnétique Venise dont Lord Bayron pressent l’avenir pour le moins compliqué… Le poète n’est-il pas devin ?

François Xavier

Lord Byron, Le Corsaire et autres poèmes, présentation et traduction de Jean Pavans, édition bilingue, Poésie/Gallimard, avril 2019, 416 p.-, 11,20 €
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